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Stranger of Paradise: Final Fantasy Origin

"I did it my way"

Projet qui aura au moins réussi à marquer l’internet sous forme de mèmes, Stranger of Paradise: Final Fantasy Origin (souvent abrégé en SoP) est un jeu anniversaire du premier Final Fantasy, consistant à revisiter le premier volet de la marque, sous la houlette de Nomura et avec la Team Ninja aux commandes. Ce qui veut dire que la réinterprétation du jeu mythique de 1987 est un Nioh-like edgy sauce isekai. Pour faire plus simple que ce charabia: ça n’a rien à voir avec le jeu de base.

Technique et artistique

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Commençons par ce qui s’affiche à l’écran: ça fait bien longtemps qu’on ne vante plus les graphismes des jeux Team Ninja. Cela dit, jusque là ils n’avaient pas progressé rétroactivement: Stranger of Paradise, un jeu de 2022, est plus laid que Nioh, un jeu de 2017. Et n'espérez pas une grande amélioration sur PC en 2023: au mieux vous avez le même résultat que sur PlayStation 5, avec une optimisation qu'on résumera à "ça tourne", et peu d'options graphiques pour venir régler l'expérience à vos désirs. D’un point de vue technique, qui a un sacré relent de PlayStation 3, le moteur gère très mal les effets de transparence, a une tendance à scintiller ça et là… Au moins c’est du 60 images/seconde presque stable (sic). Quand plusieurs effets mécaniques, visuels et environnementaux s’enchaînent, le moteur du jeu crache quelques caillots de sang, devant assumer une charge un peu trop lourde pour lui. Fort heureusement, ces quelques moments sont rares, et n’impactent que très peu le gameplay. Aussi, si ce SoP nous fait dire « que c’est moche ! » à plusieurs reprises, c’est à cause d’une direction artistique plate et fourre-tout. Du royaume de Cornelia à la base du Kraken, rares sont les environnements qui viennent titiller notre intérêt. Pourtant ce n’est pas faute d’avoir de bonnes sources d’inspirations, puisque chaque niveau s’amuse à référencer un Final Fantasy canonique différent. Mais l’exécution ne surprend que rarement, et n’arrive pas à donner sa propre vision.

L’Histoire

L’histoire que nous raconte ce Stranger of Paradise est une chose bien étrange. Son introduction est des plus sommaires, ses personnages des plus ridicules, ses objectifs narratifs des plus basiques… ça pourrait être un gloubi-boulga gênant, mais dans la brume ténébreuse de ce récit se tient le Sauveur: Jack
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Jack est LA raison qui donne envie de ne pas appuyer sur Start pour passer la cinématique. Car Jack n’est pas un protagoniste de J-RPG classique: il est venu pour une chose, tabasser du monstre, et passer les cinématiques à notre place. Vous vous moquez de ces personnages qui déblatèrent leur vie pour tout et pour rien ? Jack aussi, et va toujours couper court à la conversation. « J’adore me battre. »

Cette fougue du héros dure durant la moitié du récit, permettant de collecter des perles de mise en scène. Le fameux « bullshit » n’est pas le point d’orgue du jeu à ce niveau. Malheureusement, toutes les bonnes choses se finissent trop vite, et sur la seconde moitié du jeu, Jack descend un peu de son piédestal alors que l’ensemble prend un ton plus sérieux. Puisque le jeu a tissé sa trame narrative auparavant, il est ainsi assez facile de se laisser prendre dedans et d’être porté jusqu’au dénouement final qui n’est pas très surprenant, attendu même pour ceux qui ont suivi la communication du jeu, ou même observé la cinématique d’ouverture du jeu. Quelques incongruités se glissent encore dans cette partie du récit, qui questionnent sur si l’aspect humoristique du jeu est effectivement voulu par Nomura et Nojima, ou si l’ont ri au dépend de leur talent narratif.

Musiques

Sans tomber dans les grandes folies de Final Fantasy VII Remake, il faut quand même reconnaître que Square Enix ne se moque pas des fans sur ce sujet. Ici, trois compositeurs de la maison ont été mis sur le projet : Naoshi Mizuta (Final Fantasy XI), Ryo Yamazaki (Trilogie Final Fantasy XIII) et Hidenori Iwasaki (la série Front Mission) se sont associés pour la bande originale de ce FF. Qui plus est, tout est réalisé par un orchestre et un chœur, à croire que Square Enix a son propre orchestre de chambre dans sa poche pour chacun de ses projets: même Babylon's Fall y a le droit.

Bien qu’un bon nombre de pistes soient assez « passe-partout », certains thèmes font leur effet, et parviennent à entrer leurs notes en mémoire, comme le thème de combat, le thème principal ou ceux des quatre Démons des cristaux. Se glisse aussi dans les différentes musiques des niveaux des accords des Final Fantasy précédents. Du I au XV, tous sont nommés dans leur niveau respectif, et entendre quelques notes se glisser pour former le thème de la Shinra ça donne toujours un petit sourire dans le coin des lèvres. Un sourire plus triste quand c’est une reprise de Somnus qui passe…



Gameplay

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On pourrait résumer le segment par « c’est du Team Ninja, c’est d’la bonne, mangez-en ! », mais ce ne serait pas très professionnel. Détaillons donc ce à quoi on a affaire. Stranger of Paradise est un jeu d’action fortement inspiré de Nioh, et donc de Dark Souls et Ninja Gaiden. Le jeu étant découpé en niveaux, on va évoluer de checkpoint en checkpoint pour enfin atteindre le boss, et ainsi compléter le niveau. Dark Souls est une source d’inspiration, mais le jeu ne souhaite pas vous forcer la vie dure: 3 modes de difficultés existent, ainsi qu’un mode « Sûreté » pour ne pas perdre les quelques ressources à notre mort, ou encore pouvoir bloquer les attaques normalement imbloquables. Car il y a un système de Contre et de Rupture, permettant lorsque la jauge de Rupture adverse est vidée d’abréger sa vie tout en gagnant des PMs, servant aux techniques. Gaffe cependant si on ne surveille pas sa propre jauge, car si elle explose, on se retrouve exposé pendant quelques secondes…

Le joueur dispose de 8 armes, 11 avec les DLCs, qui ont chacune leur style et leurs attaques spéciales selon l’enchainement réalisé. Surtout, le jeu est basé sur le système de jobs des premiers Final Fantasy, et chaque job va venir apporter de nouvelles techniques et une technique unique qui définit son style. Avec 28 jobs au total dans le jeu vanilla, difficile de ne pas trouver son plaisir: entre le Ninja qui peut exécuter des techniques secrètes, le Chevalier du Néant qui absorbe la magie, le Chevalier Dragon qui peut sauter dans les airs ou le Sage qui maîtrise toutes les magies du jeu, il y a une grande variété et de personnalisation de styles et builds possible. Qui plus est, comme Nioh, le jeu nous abreuve régulièrement d’items durant notre progression, pour min-maxer le job dans son tableur Excel, ou pour choisir la tenue la plus classe à soi et ses compagnons de voyage. Sachant qu’il est possible de faire le jeu en difficulté maximale sans trop se prendre la tête avec l’optimisation.

Recyclage

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Si SoP prête à rire sur sa quête principale, c’est tout le contraire de ses quêtes secondaires. Celles-ci se contentent de nous resservir les niveaux de la quête principale, avec de sommaires ajustements, en appliquant un objectif des plus basiques comme « Tuer X Tomberries Maître ». Plus qu’inintéressantes, les quêtes secondaires n’apportent RIEN de nouveau par rapport au contenu vu dans la quête principale. N’espérez pas un affrontement contre un boss unique, vous ne recroiserez que ceux précédemment abattus, avec plus de PVs. Comme pour nous faire perdre du temps, en difficulté Maximale les quêtes annexes sont presque mandatoire si on ne veut pas avoir un niveau trop faible pour la quête principale, venant ainsi doubler le nombre d’heures du jeu, de 15 à 30. C’est l’aspect du jeu qui est le plus révélateur de sa nature et son développement: Stranger of Paradise est un jeu "AA", qui vise haut de part la réalisation de son gameplay et sa pluralité d’options, mais est à la ramasse lorsque l’on sort des cinématiques ou des combats. Mention spéciale à ces phases de « dialogues », où les compagnons se tiennent droit comme des piquets, parfois l’un face à l’autre pour simuler un échange… Finalement le moins reluisant du jeu n’est peut-être pas sa technique, mais le fait qu’il n’arrive pas à couvrir un tant soit peu ses coutures et reprisages au gros fil.
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Enfin, parlons du loot, question qui semble bien chère maintenant à la Team Ninja. Car s’il est comparé à Nioh, ce n’est pas juste parce que c’est du Dark Souls en niveaux, mais plutôt parce que le jeu nous chie de l'équipement à la figure. Une centaine de pièces d’équipement par mission, ou plus. C’en est illisible, et passer du temps dans les menus à recycler des objets pour se vider les poches n’est pas le pic de l’amusement. Il existe fort heureusement un configurateur plutôt bien conçu pour supprimer automatiquement l’équipement ne répondant pas aux critères choisis. Mais c’est un palliatif. Diablo III avait reçu des critiques similaires en 2012, et avait finalement complètement revu sa distribution et sa construction d’objets, pour un résultat nettement plus satisfaisant que la bouillie servie auparavant. Il est dommage que 10 ans après, les développeurs n’aient pas observé la leçon pour l’appliquer à leur cas, puisqu’en l’état ça ne donne qu’une envie: tout virer et garder seulement l’objet au plus gros niveau. La récompense devient la plaie.

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Conclusion

Peut-être pas le Final Fantasy qu’on espérait quand il était encore à l'état de rumeur, ce Stranger of Paradise est cependant un bon jeu d’action. Le savoir-faire de la Team Ninja s’est correctement adapté à une dimension plus « RPG », et la narration donnera le sourire au joueur qui attend un nanar plus qu’un récit épique. Reste une technique et une direction artistique douteuse, et un recyclage bien trop présent au risque de venir gâcher le rythme du jeu.

Final Fantasy Origin, c’est aussi un jeu anniversaire qui, derrière une façade d’irrespect envers le premier épisode de la série (transformer un RPG inspiré du premier Dragon Quest en un jeu d’action Niohesque, c’est osé), cherche à faire plaisir aux fans de la licence, en étant rempli d’emprunts aux différents jeux la composant, en musique, visuels, et systèmes. Un peu comme cet archétype de la brute au cœur tendre, qui marche sur nos plates-bandes en nous expliquant que l'on est chanceux qu’il ne nous marche pas sur la gueule, mais vient replanter des fleurs pour s’excuser sans mots dire.

Évidement, Jack nous aurait marché sur la gueule.

Stranger of Paradise: Final Fantasy Origin

Critique rédigée par Koanns
Publié le 11/05/2023 à 23:51

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