Il y a peu de séries qui arrivent autant à traverser les époques: née sur la NES en 1987 comme le dernier projet de Squaresoft, Final Fantasy s'est vite imposé comme l'une des plus grandes licences du J-RPG, et plusieurs de ses épisodes font partie des jeux les plus marquants de leurs consoles respectives. Ayant pour coutume de toujours se différencier des épisodes précédents, et de toujours viser plus ambitieux, la vénérable connaît des difficultés depuis les années 2000, l'épisode XII et ses suivants peinant à convaincre comme avant. Avec les équipes historiques au charbon sur la trilogie Final Fantasy VII Remake, Square a confié le développement du nouvel épisode canonique à l'équipe de choc qui a su transformer l'immense échec Final Fantasy XIV en l'une des plus grosses réussites critiques et financières de l'entreprise. À la barre, on retrouve des noms comme Naoki Yoshida, le producteur et visage public de FFXIV et XVI. À ses côtés on retrouve Hiroshi Takai en tant que directeur, ayant notamment travaillé sur Romancing SaGa par le passé. Hiroshi Minagawa, ancien bras droit de Yasumi Matsuno, retrouve un poste de directeur artistique et ayant travaillé entre autres sur Vagrant Story, Tactics Ogre et Final Fantasy XII. Masayoshi Soken, qui s'est illustré sur les musiques de FF XIV et ses extensions, fait le pont avec les autres têtes de l'équipe et prend en charge la composition sonore de ce nouvel épisode. Kazutoyo Maehiro, un autre camarade de feu l'équipe Matsuno, est co-directeur notamment en charge de l'histoire et du scénario. Enfin, dernière recrue externe: Ryota Suzuki est le directeur des combats, chargé d'une expérience sur Devil May Cry 5, Monster Hunter World et Dragon's Dogma. Équipe s'étant majoritairement formé sur la refonte du MMO FFXIV, elle démontre ici son amour pour des univers très inspirés de l'occident. Et dans notre cas présent, d'un certain Games of Thrones.
En ses plus de 35 ans d’existence, la licence Final Fantasy s’est érigée un standard: chaque épisode se doit d’être différent en termes de gameplay, d’univers et d’histoire. Ils ne doivent pas se situer dans un même monde (tousse, X-2) ou se faire suite (*tousse* XIII-2, *tousse* Lightning Returns). Avec cette seizième itération du mythe des cristaux, la Business Unit III a décidé d’opérer un retour à la medieval fantasy des premiers épisodes, avec le ton sombre et dur de la dark fantasy. Dès l’ouverture, le jeu nous pose un monde déchiré par les guerres, marqué par l’esclavage, où les manœuvres politiques font et défont les luttes. Et après un flashback qui conte les évènements tragiques de notre héros, Clive, on l'incarne aussitôt en pleine quête de vengeance. Un thème certes peu original, mais ici bien conté, et qui évoluera petit à petit vers des enjeux bien plus grands. Désormais seul personnage jouable de toute l’aventure à l’exception de très rares séquences, celui-ci évoluera régulièrement avec différents compagnons. Cet épisode se permet des transgressions par rapport à la formule habituelle de Final Fantasy (si tant est qu’elle existe réellement) comme l’absence de mécanique de groupes, l’absence de tour-par-tour ou de jobs, et une direction artistique très occidentalisée et sobre, voire austère. Mais les créateurs ont contrebalancé cela en remettant au centre du narratif la quête des cristaux, devenus ici des « Cristaux-mères », d’immenses structures autour desquelles la vie s’est développée. De même, les invocations ont une place des plus centrales dans le monde du jeu, étant des incarnations déifiques dont certains humains sont les porteurs, et devenant ainsi des armes centrales dans l’échiquier politique de Valisthéa, où se déroule le jeu. Enfin, certaines structures et donjons révèlent des éléments bien plus technologiques que ce que la medieval fantasy a l’habitude. Sans trop en révéler, on pourrait dire que Final Fantasy XVI est un post-néo-FF, où d’une race habituée à voyager dans des vaisseaux il ne reste que quelques ruines que, des siècles plus tard, les humains se sont appropriés. Il y a donc une clef de bras mécaniques aux traditions pour mieux mettre en valeur le cœur narratif et visuel de Final Fantasy. Et tout cela est bien évidemment au cœur du récit de Clive.
Désormais seul personnage jouable, on vivra l’immense majorité des évènements par les yeux de Clive. Après un court passage de son enfance pour enseigner les rudiments du combat et les évènements déclencheurs du jeu, il se retrouve propulsé esclave et en quête de vengeance. Quête qui prendra bien vite des proportions plus larges, impliquant l’ensemble des nations de Valisthéa, et des Cristaux-Mères. Très bien rythmé au début, le récit finira par prendre une forme de « mission de boss – missions de remplissages – mission de boss » pas des plus agréables, surtout que dans ces remplissages, la qualité de la mise en scène chute drastiquement, et ce n’est pas un grand titre PlayStation 5 qui est face à nous mais un quelconque AA échappé de la PlayStation 3. Le producteur Yoshida avait parlé de « montagnes russes narratives », mais il aurait été de bon goût de ne pas descendre si bas, c’est vraiment mauvais pour le cœur. Surtout que quand le jeu décide de monter, il ne fait pas les choses à moitié: plus le scénario avance, plus il s’envole dans la démesure, les affrontements prenant alors des proportions somme toute absurdes à s’en décrocher les mâchoires. Dans ces moments, on est bien loin du J-RPG moyen à aider Bernard le Charpentier, mais plus proche d’un God of War 3 ou d’un Asura’s Wrath. Ces moments qui se cristallisent surtout dans les affrontements contre les autres Primordiaux sont de très loin les séquences les plus marquantes du jeu, et témoignent également que sous son vernis de dark fantasy européenne, Final Fantasy XVI est un shônen comme nombre de ses prédécesseurs. Ce glissement se fait au fur et à mesure de l’aventure, de manière plus ou moins bien faite. L’écriture de Clive notamment connaît un changement pour passer sur quelque chose d’encore plus classique que l’envie de vengeance alors que les différents arcs narratifs se succèdent.
Dans le ballet des personnages de ce FF XVI, on apprécie une écriture globale assez réussie, même si les prises de risque sont rares. Le personnage de Cid notamment, l’archétype du meneur au bon mot comme on peut le voir dans des dizaines d’œuvres, est malgré tout un des personnages les plus marquants et appréciables du jeu. Pour d’autres, comme Jill ou Benedikta, il manque parfois ce petit quelque chose pour les rendre vraiment iconiques. Les autres Primordiaux sont eux aussi très soignés, mais avec quelques maladresses, et on aurait aimé un poil de développement supplémentaire sur Hugo pour mieux réussir ses scènes finales. En revanche, pour les personnages secondaires, on est au mieux sur du moyen comme avec Gab, et plus souvent dans le totalement oubliable comme Martha et Quentin. Clive, quant à lui, sans être un mauvais garçon, n’est toujours pas celui qui viendra voler le premier rôle à Balthier (de Final Fantasy XII) comme le meilleur personnage de la saga.
Fini le tour par tour. Fini l’ATB. Même pas sous forme remaniée comme Final Fantasy VII Remake. Sans un regard vers l’arrière, Final Fantasy XVI embrasse l’Action à pleine bouche, et le fait avec talent. Comme beaucoup de bons systèmes, il repose sur des bases simples: une touche pour attaquer à l’épée, une touche pour tirer un projectile magique, et une dernière pour l’esquive. Nous tenons ici les fondamentaux du système de combat. Les coups à l’épée font mal, les projectiles magiques permettent de faire monter la jauge de Choc de l’adversaire, il convient donc de mixer les coups. Et l’une des premières grandes bonnes idées du système de combat tient en ça: en alternant avec le bon timing des coups d’épées et de magie, on dispose d’un combo fluide permettant de maximiser les dégâts et la jauge de Choc, jauge qui, arrivée à son maximum, rend l’ennemi sonné et lui fait subir plus de dégâts. Nécessitant de prendre le rythme, cette simple mécanique de frappe donne déjà un bon coup de boost au dynamisme des combats. Très vite, on pourra débloquer des attaques chargées: en maintenant l’une des deux touches, on obtient une version plus puissante de l’attaque en question. Assez courte à préparer, l’intérêt réside surtout dans le fait que charger une attaque ne nous empêche pas d’agir: il est tout à fait possible de préparer une super boule de feu pendant qu’on enchaîne les coups d’épées et les esquives, et inversement. Également, réussir une esquive au bon timing permet de réaliser un « Coup habile », infligeant plus de dégâts à l’épée ou à la magie. On peut donc très vite se retrouver avec une sacrée petite gymnastique au bout des doigts, entre les esquives, les charges et les timings de frappes. Rajoutez dans ce panel de coups de base une attaque plongeante, permettant de foncer sur l’ennemi, et la possibilité d’effectuer des frappes aériennes, et on a un arsenal plus que plaisant pour affronter les mécréants. Mais à tout cela s’ajoute une toute nouvelle couche de mécaniques, avec les Primordiaux.
D’un appui de gâchette, les deux touches d’attaque permettent de lancer une Compétence chacune, liée au Primordial équipé. Avec Phénix, le premier Primordial, on a donc la possibilité d’effectuer une tornade de flammes, un uppercut qui envoie voltiger l’adversaire, ou encore de créer un mur de flammes. Une autre touche permet d’utiliser un pouvoir spécial de Primordial, sans temps de récupération mais aussi sans possibilité d’être choisi. On pourra ainsi se téléporter sur l’adversaire sur de longues distances avec notre Primordial de Feu, ou bien de les ramener à nous avec les griffes de Garuda, voire de faire chuter les plus massifs d’entre eux. Enfin, une dernière touche permet de changer de Primordial, jusqu’à 3 pouvant être équipés. Ce système de Primordiaux finit de propulser FF XVI dans le top des meilleurs jeux d’Action-RPG de ces dernières années, en apportant un dynamisme extrêmement plaisant. Les Compétences sont variées, les Primordiaux à récupérer sont nombreux, ouvrant donc la porte à pleins de combinaisons différentes. Sans parler de combos à la Devil May Cry ou Bayonetta, il y a effectivement de vrais enchaînements à faire pour venir exploiter les systèmes de jeu et maximiser les dégâts. Et le soin apporté aux animations, aux impacts, aux effets rend la chose des plus plaisantes, tellement qu’il est difficile de se raisonner durant les quelques phases où il est mieux de laisser venir l’adversaire pour bien lire ses mouvements.
La lisibilité des coups, c’est le petit point faible de cet opus: dans les groupes d’ennemis, il n'est pas toujours simple de repérer les mages qui vont nous tirer dessus dans la mêlée, et on se prend donc des projectiles magiques dans le dos par inadvertance, les flèches indiquant qu’un ennemi attaque hors de notre champ de vision n’étant pas des plus visibles. De plus, le jeu aime proposer des environnements assez sombres, avec peu de contrastes. Dans ces situations, il est difficile de correctement lire certains mouvements, et presque impossible si on déchaîne les VFXs avec les Compétences Primordiales. C’est donc la recommandation en cas d’affrontement: il faut garder la raison, attendre l’ouverture, et dès que celle-ci se présente, on se déchaîne à ce moment pour faire fondre ses barres. Il y a un tel travail pour rendre l’action plaisante que ça rend d’autant plus frustrant ces volontés du jeu de nous interrompre. Déjà à la fin des combats de boss, le jeu se met en pause pour nous dire « BOSS VAINCU » avant ensuite d’enchaîner sans transition avec la suite. Mais également à chaque fois que l’on gagne un niveau, le jeu se sent le besoin de nous afficher l’augmentions de stats à chaque fois en mettant la fin du combat en pause plutôt que d’intégrer ça naturellement.
Dernier élément de gameplay à notre commande: Talgor. Sorte de chien-loup, on peut lui donner différents ordres avec les flèches de la manette. On peut ainsi lui demander d'attaquer l’ennemi et de le déstabiliser, de nous soigner et donc de récupérer une petite partie de nos PVs, celle colorée en gris, ou de propulser l’ennemi en l’air, facilitant les combos aériens. Seul compagnon contrôlable, il s’agit de l’élément de jeu le plus annexe, et seul ceux qui voudront maximiser les possibilités le contrôleront pleinement. Les autres préfèreront probablement se reposer sur la gestion automatique de la bête, ayant suffisamment à faire avec tout le reste.
La bonne nouvelle derrière cet affichage de statistiques à chaque montée de niveau, c’est qu’on est bien face à un RPG comme tous les titres principaux de la série, et non un pur jeu d’action. Cependant, ne comptez pas attribuer de points dans vos stats ou aller dans un Cristarium pour vous orienter en Magie: ce n’est pas possible. Pour modifier ses caractéristiques et son style de jeu, il faut équiper des amulettes et des bracelets qui viennent vous donner certaines statistiques ou autre effets passifs, comme un temps de recharge réduit pour les Compétences de Phénix. 1 bracelet, 1 arme, 1 armure, et 3 amulettes à choisir donc. Ce qui, compte tenu que l’on ne joue qu’un seul personnage et non pas 3 ou 4, fait assez peu. Et quand on regarde l’arbre de Compétences, on se rend compte que ce n’est pas la question RPG qui a été la plus au centre du développement: 4 Compétences par Primordiaux à débloquer, quelques coups de base à déverrouiller, et c’est tout. Certains peuvent être améliorés, pour par exemple charger son épée ou son tir magique plus rapidement, mais c’est tout. Pour les Compétences de Primordiaux, la première amélioration offre plus de dégâts, la seconde,permet de l’utiliser sur un autre Primordial que celui affilié, et c’est tout. Pas de véritable évolution de la Compétence, pas de grosse modification de stats autrement que par les équipements. C’est simple, basique, direct, comme beaucoup de production A-RPG modernes. L’épingle est tirée sur la quantité de Compétences à déverrouiller (bien plus de 30), avec possibilité de réinitialiser l’Arbre de Compétences gratuitement à n’importe quel moment. Il y a donc largement de quoi faire son marché pour créer ses petites combinaisons, et l’absence d’évolution est au final largement compensée puisque la question du choix se fait sur la Compétence-même et pas son devenir. Et entre le nombre de Techniques de Primordiaux, leurs Compétences et la possibilité de mélanger les Compétences entre les Primordiaux, on a vraiment la possibilité de se faire son propre style. En bon gourmet, on apprécie autant le soin appliqué et l’intérêt ludique qu’apporte chaque Compétence dans l’aspect RPG du jeu même si, gourmand, on aurait voulu aussi pouvoir varier les styles de frappe en changeant d’arme. Décidément, jamais content.
Les développeurs savent que tous les joueurs ne sautent pas de joie à l’idée que la série passe sur de l’action frénétique, et a à cœur de permettre au plus de monde de jouer à leur jeu. Plutôt que d’opter pour des modes de difficultés affectant uniquement les dégâts infligés et reçus, il est possible d’affecter directement les contrôles du jeu. Une amulette permet d’effectuer des combos automatiques, une autre offre une fenêtre de QTE pour les esquives, une troisième nous fait carrément esquiver à notre place, et enfin la dernière permet de contrôler Talgor automatiquement. Le jeu dispose d’une difficulté unique, mais ces aides permettent aux joueurs de se personnaliser une expérience de jeu plus simple selon leurs besoins et envie. Une initiative très bien trouvée: non seulement cela ouvre la porte à un public des plus larges, mais en plus cela permet la création d’un seul mode de difficulté, qui est donc parfaitement équilibré. Seul les plus gros mordus de Souls-like seront mis sur le bord de la route, le jeu dans sa quête principale ne cherchant clairement pas à faire enchainer les Game Over au joueur, tout au plus le mettre un peu sous pression pour rendre les moments plus captivants.
Pour ses séquences les plus importantes, Final Fantasy XVI voit les choses en grand. Plutôt que de nous faire jouer Clive, on joue alors une des invocations du jeu, un Primordial, et il devient alors possible de déchaîner des attaques d'une puissance colossale. Fini les inspirations Game of Thrones, on est ici sur des luttes de Kaijus, avec pour certaines séquences de gros appels du pied à Evangelion et L'Attaque des Titans. Très cinématique, il faut quelque temps avant que ces séquences proposent un véritable gameplay autre que de simplement marteler le bouton attaque. Mais une fois les marques prises, on en prend véritablement plein les yeux. Une démesure à tous les étages, ces combats forment les séquences les plus marquantes de Final Fantasy XVI, et feront partie des souvenirs les plus partagés par les fans sans doute possible.
Square Enix ne lésine jamais sur les musiques de sa série fétiche, que ce soit sur le choix des compositeurs ou les moyens accordés à l’enregistrement. Ici, c’est Masayoshi Soken qui est aux commandes de l’OST du jeu. Après 13 ans à écouter ses musiques sur le MMO Final Fantasy XIV et ses extensions, le voilà désormais aux commandes d’un épisode solo. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas chômé. Pour qui souhaite acheter l’OST du jeu verra qu’elle a besoin de 7 disques pour contenir les 215 pistes composées par Soken. En comparaison, Final Fantasy VII Remake avait lui aussi besoin de 7 disques pour ses 156 pistes, et avait un total de 9 heures d’écoute. Quand on songe à FF XV qui, pourtant, était déjà massif avec ses 90 pistes sur 4 disques…
Avec cette itération, on fait la part belle aux orchestres classiques: c’est la ribambelle des cordes, des cuivres, des bois et des chœurs. Loin, très loin des orchestres rock que Uematsu affectionnait, on retombe donc un peu plus sur le style de Sakimoto qui avait lui aussi banni l’électronique de la musique de Final Fantasy XII. Plusieurs leitmotivs musicaux se promènent de pistes en piste. Un peu à la manière dont les thèmes de FF XIII et de FF VI étaient transversaux dans leurs opus respectifs, « Find the Fame » (dont le début reprend la même composition que Blinded by Light, de manière amusante) se retrouve dans plusieurs scènes et combats tout au long du jeu. Peut-être un peu trop, puisqu’on a l’impression qu’à chaque scène où il se passe quelque chose, le jeu souhaite sortir ce leitmotiv. Mais c’est le style de Soken, et c’est consistant dans l’aventure. De manière plus générale, si les thèmes d’environnements se montrent plutôt discrets, les thèmes de combats donnent très vite dans le spectaculaire, et attendent la moindre bonne occasion pour faire tonner les chœurs pour renforcer le plus possible l’aspect dramatique du jeu, ce qui est très souvent le cas. Et si on pourrait craindre, en lisant ces lignes, que l’OST ne s’approche un peu trop de ce que faisait FF XV, ce n’est pas le cas, car insistant beaucoup plus sur les cuivres et les chœurs masculins que les violons chers à Shimomura et les chœurs mixtes. De même pour les lyriques, chantés ici en grec ancien plutôt que l’habituel latin.
On regrettera quand même une certaine inconstance dans la qualité musicale de cet opus. Si certaines pistes rejoignent sans sourciller le rang des grandes pistes au côté des « Battle of the Four Fiends », « Battle to the Death » ou « Saber’s Edge », bien d’autres ont du mal à marquer. La faute notamment à un mixage sonore pas des plus soignés, faisant ressortir le côté synthétique dans certaines compositions y compris dans des combats importants, ce qui est plus que malheureux pour une série aux musiques aussi réputées que Final Fantasy. Enfin, les thèmes des villes et environnements, hormis ceux du repaire, sont particulièrement peu marquants. Ce n’est pas avec cet épisode que Sakimoto se fera détrôner sur le podium des plus belles musiques de villes dans la série.
Avoir amené la licence au sommet de la technique visuelle pendant plus de 15 ans colle à la peau de Square, et chaque épisode continue d’essayer de faire honneur à la licence sur cette question. Ici, pas de Luminous Engine qui faisait de petites merveilles sur FF XV, ou d’Unreal Engine 4 qui était resplendissant sur FF VII Remake (sorties des poêles polygonales et de certaines textures plus que baveuses): l’équipe s’appuie sur le moteur de Final Fantasy XIV qu’elle connaît très bien, et qui a sacrément musclé son jeu pour faire honneur à la PS5. La modélisation des personnages est sublime, de même que les textures des armures et des tissus. Les environnements sont sublimement construits, et si la direction artistique très sobre - voire austère - ne met pas toujours en avant le saut technologique réalisé ici, on dispose de quelques séquences à s’en décrocher la mâchoire qui nous font bien comprendre que oui, on est sur PS5, et oui, Final Fantasy XVI sait être beau à tomber. Les donjons des cristaux notamment ont bénéficié d’un soin qui fait plaisir aux yeux, en termes de modélisation, d’effets spéciaux, de lumière… On en verserait presque une petite larme parfois. De même, certaines des cinématiques du jeu sont à couper le souffle, et il est parfois difficile de dire quand le jeu est en pré-calculé ou en temps réel. Pareillement, les affrontements entre Primordiaux laissent parfois pantois, et certains semblent même s’être échappé des laboratoires de Platinum Games qui auraient enfin eu des outils et moyens techniques à la hauteur de leur folie.
Cette maestria est d’autant plus entachée par quelques soucis techniques, qui font dès lors plus que tache: tout d’abord, certaines séquences sont animées au rabais. Du plus beau Final Fantasy, FF XVI devient désormais un RPG double A de seconde zone qui s’est échappé de la PS3 entre des personnages qui bougent comme des animatroniques et des cadrages des plus plats. Aussi, il y a un manque de travail sur la physique du monde et notamment le vent qui rend les choses parfois très plates et étranges. Un certain plan à Rosalia en est le plus bel exemple, où les cheveux du héros et les brins d’herbes bougent plus par automatisme que par une véritable ligne de courant. Et évidemment rien sur la cape du héros, pour renforcer le malaise. On pourrait aussi citer ce petit voyage en bateau qui questionne sur comment il avance avec sa voile alors qu’il n’y a vraisemblablement pas de vent. Enfin, le jeu pose parfois une sorte de filtre flou très étrange, et surtout inutile. Plein de petits soucis qui rappellent que le moteur de jeu n’est initialement pas conçu pour réaliser un titre aux performances graphiques les plus exceptionnelles. C’est donc dans cet entre-deux visuel que Final Fantasy XVI évolue, et qu’il est le plus critiquable. Sans doute une rémanence de la structure de FF XIV que l’équipe maintient depuis 10 ans maintenant. Cependant, on ne fait pas un jeu solo comme un MMO, et les attentes ne sont pas les mêmes. On en vient vraiment à regretter qu’il n’y ait pas eu plus d’efforts pour soigner toutes ces séquences, d’autant plus que lorsque le jeu daigne faire l’effort, il donne des séquences mémorables.
Parlons aussi un peu de la direction artistique du jeu: très sobre, voire austère. On est sur des architectures médiévales généralement assez simples, comme des églises romanes ou des villages de petites maisons en pierre. Après une certaine débauche créative comme avec Altissia de FF XV ou Cocoon de FF XIII, retourner dans une telle retenue peut sembler triste, surtout que beaucoup d’intérieurs sont eux aussi très dépouillés. Mais dès lors que le jeu commence à lorgner vers des éléments plus fantaisistes, comme les invocations où les cristaux, on sent une direction artistique bien plus affirmée et créative, et le contraste lui donne même une certaine majesté.
Sans être dénué de défaut, Final Fantasy XVI est l’un des épisodes les plus réussis de la licence sur ce XXIème siècle. Bien qu’abandonnant nombres de mécaniques cœur de la saga – et donc des fans, le jeu met en exergue les éléments symboliques de Final Fantasy comme jamais auparavant. On y regrette nombre de maladresses d’exécution: ces remplissages narratifs tue-l’amour, une écriture qui flanche toujours un peu au moment d’une conclusion d’un personnage, et des grands écarts entre la dark fantasy et le shonen parfois un peu trop large font de lui un jeu loin d’être parfait. Mais quand Final Fantasy XVI quitte son caractère austère, il propose parmi les plus beaux environnements de la licence, et des séquences d’affrontements des plus mémorables. En cela s’ancre un système de combat des plus soignés, permettant nombre de folies dans les enchaînements pour les plus mordus des jeux d’actions (mais qui risquent de le trouver un peu facile). À ceux qui sont prêt pour le virage entrepris, ce seizième épisode offre un très bon crû de la licence, et confirme avec Final Fantasy VII Remake que Square Enix fait un retour en force de son pilier historique.
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