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Hollow Knight

Un petit creux qui a soif d'exploration

MiniatureS'il y a un genre qui est revenu en force ces dernières années, c'est bien le metroidvania. Cantonné aux licences de référence et à quelques rares outsiders (comme Shadow Complex sur Xbox 360) pendant la décennie 2000, le jeu d'exploration en 2D à base de power-ups tel que codifié et popularisé par la série Metroid ainsi que les Castlevania post-Symphony of the Night connaît aujourd'hui un renouveau sous l'impulsion de la scène indépendante, régulièrement aidée par le financement participatif. Si bien qu'on trouve aujourd'hui la formule à toutes les sauces: avec du pixel art (tel Axiom Verge), avec une génération aléatoire des niveaux (comme le tout récent Dead Cells), ou encore avec une difficulté punitive (notamment Salt and Sanctuary). Faute d'avoir "la" mécanique de gameplay inédite qui le distinguerait des références du genre, Hollow Knight ne semble pas sortir du lot au premier coup d'oeil. Tout au plus, vous serez intrigués par son cadre original (une colonie d'insectes) et son visuel à base de personnages rondouillards dessinés à la main. Et pourtant, au moment d'écrire ces lignes, Hollow Knight jouit aussi bien d'une jolie réputation que d'un succès commercial respectable. Avec presque 3 millions de copies vendues et une suite dans les fourneaux, le jeu de Team Cherry fait désormais partie du paysage. Alors, tient-on là un nouveau metroidvania ayant eu un peu plus de chance que d'autres, ou plutôt une nouvelle référence ? C'est ce que nous allons voir...

Un travail de fourmi

MiniatureAu premier abord, Hollow Knight semble très classique. Aux commandes d'un curieux chevalier armé d'un aiguillon usé, le joueur est lâché sans plus d'explications dans le royaume de Hallownest, un monde souterrain peuplé d'insectes en tous genres dont les habitants sont devenus fous et hostiles à cause d'un mystérieux fléau. On évolue alors dans les strates supérieures de manière conventionnelle, les premières améliorations (une attaque à distance et une ruée vers l'avant) ouvrant l'accès aux prochaines zones d'une manière assez évidente. L'histoire, quant à elle, enverrait presque balader le joueur, puisque les premiers dialogues en rapport direct avec la trame scénaristique sont volontairement sibyllins et ne prendront tout leur sens qu'après avoir découvert quelques-uns des secrets les mieux gardés de Hallownest. Jusque-là, Hollow Knight n'a guère que sa finition à faire valoir. De petite taille, même parmi les insectes, le chevalier que l'on contrôle offre une excellente mobilité qui ne fait que s'accroître au fil de la progression, tant et si bien que Team Cherry s'est amusé à introduire un peu partout des sections de plates-formes tortueuses qui pourront prendre carrément des airs de Super Meat Boy. Les graphismes ne sont pas en reste: entre les décors léchés et le style visuel charmant des différents personnages (alliés comme ennemis), Hollow Knight est une belle réussite graphique, quoiqu'on pourra lui reprocher ici et là un manque de folie en termes de couleurs. En effet, les différents environnements du jeu tendent plus souvent vers le monochrome que vers le festival que le règne des insectes peut parfois offrir dans le monde réel. Un aspect qui sied à merveille à certaines zones mais qui sera moins convaincant dans d'autres, comme Vertchemin, un réseau de grottes envahies par une végétation luxuriante et des étangs d'acide que l'on traversera au tout début de l'aventure. Cela dit, Hollow Knight justifie en partie ce choix visuel par son utilisation de codes couleur pour illustrer différents éléments de son univers. Ainsi, le mal qui ronge Hallownest est symbolisé par la couleur orange, une couleur vive qui ressort beaucoup mieux sur un arrière-plan dominé par des couleurs froides.

MiniatureMalgré un premier contact sans grande surprise, Hollow Knight révèle progressivement les grandes qualités de son level design à mesure que les heures passent et que le joueur s'aventure toujours loin et toujours plus profond. Riche d'une grosse quinzaine d'environnements, la plupart d'entre eux ayant leurs propres idées de level design, Hallownest est à la fois dense et lisible. Oh, bien sûr, comme tout bon jeu d'exploration qui se respecte, Hollow Knight peut être bouclé en une poignée d'heures seulement (un succès récompensera d'ailleurs les speedrunners) à condition de bien planifier son parcours pour minimiser les détours facultatifs et les allers-retours inhérents au genre. Mais foncer vers le combat final reviendrait à se priver de pans entiers du jeu (ainsi que des meilleures fins). Car ce sont plusieurs zones entières et des power-ups de tout poil qui attendront les aventuriers désireux de visiter les lieux de fond en comble - sans oublier, bien entendu, les nombreux détails sur l'univers du jeu distillés un peu partout. C'est bien simple: on commence Hollow Knight en pensant l'avoir terminé en l'espace de 10 heures, mais 20 heures après, voire 30, on s'étonne de découvrir encore de nouveaux environnements et de nouveaux secrets. Pour autant, n'allez pas croire que cette densité est synonyme de level design vicieux et de passages dérobés pensés pour vous faire tourner en rond pendant des heures. Bien au contraire: Hollow Knight est élégant en la matière. Si on excepte quelques power-ups optionnels bien planqués, les transitions entre les différentes sections du jeu sont signalées par des obstacles clairs et sans ambiguïté. Cela ne signifie pas pour autant qu'il est impossible de se perdre ou que la progression est linéaire: en réalité, la sensation d'être perdu sera plus souvent causée par l'embarras du choix entre les options disponibles ou l'absence d'une direction à suivre bien claire que par un level design confus ou inutilement complexe.

MiniaturePar ailleurs, l'exploration exhaustive du royaume ne sera pas juste récompensée par des objets pour accroître la ténacité du chevalier ou affûter son arme. Pour bien comprendre, je me dois de donner quelques explications supplémentaires sur le gameplay. Au lieu d'une jauge de vie accompagnée de compteurs conditionnant l'usage des meilleurs armes, le chevalier de Hollow Knight est équipé de masques et d'une jauge d'âme. Les masques se détruisent en prenant des dégâts (la perte de tous les masques étant synonyme de game over) tandis que la jauge d'âme, au départ vide, se remplit en frappant des ennemis avec l'aiguillon. Une fois remplie au-delà d'un seuil, elle peut être utilisée pour restaurer un ou plusieurs masques en canalisant l'âme ou pour lancer de puissants sortilèges. Là où les choses deviennent intéressantes, c'est que Hollow Knight propose aussi un système de charmes, c.-à-d. des reliques que le joueur peut équiper aux points de sauvegarde pour activer des talents passifs. Si certains charmes vont plutôt augmenter la portée de l'aiguillon ou la cadence de frappe, d'autres vont accélérer le remplissage de la jauge d'âme, augmenter la vitesse de la canalisation ou encore accroître la puissance des sortilèges. Bien entendu, vous ne pourrez équiper qu'un petit nombre de charmes à la fois, conditionné par un nombre d'emplacements (qui peut être augmenté au fil du jeu), certains charmes nécessitant plus d'emplacements que d'autres. Ce système est sans aucun doute un des grands points forts du jeu: en effet, l'utilisation et la combinaison de charmes permet de pratiquer différents styles de gameplay, certains étant axés sur la mobilité, d'autres plutôt portés les sortilèges ou encore sur l'aiguillon. Mais ce qui est encore mieux, c'est qu'avec des dizaines de charmes cachés dans tout Hallownest (en plus de sortilèges améliorés et de techniques secrètes), un joueur explorateur ne va pas juste gagner un peu plus de vie et augmenter la capacité de sa jauge d'âme en cours de jeu: il va aussi et surtout enrichir ses options pour aborder chaque situation, qu'il s'agisse d'un passage de plates-formes corsé, d'un boss retors ou d'un grand départ pour l'inconnu.

Passionnant et gratifiant à explorer, le royaume de Hallownest est aussi très cohérent dans son architecture. Alors que des jeux réalisés dans des studios réputés se prennent parfois les pieds dans le tapis avec leurs propres oeuvres (ceux qui auront joué à Dark Souls II se souviendront en particulier d'un certain ascenseur), Team Cherry a accordé un grand soin à la juxtaposition des environnements. Des petits détails laissés sur le chemin du joueur ou dans l'avant- et l'arrière-plan peuvent tantôt annoncer la zone adjacente, tantôt suggérer les relations qui existent entre les différentes peuplades d'insectes. Rien n'a été laissé au hasard dans la conception de Hallownest. Son histoire n'est pas en reste: bien que les premières heures tirent un peu trop sur la corde du mystère à grand renfort de dialogues énigmatiques, différentes zones et rencontres avec des PNJs viendront progressivement éclaircir le rôle du joueur et les évènements qui ont conduit à la chute du royaume.

« On commence Hollow Knight en pensant l'avoir terminé en l'espace de 10 heures, mais 20 heures après, voire 30, on s'étonne de découvrir encore de nouveaux environnements et de nouveaux secrets. »

Chercher la petite bête

MiniatureBien évidemment, avec un contenu aussi riche et une durée de vie exceptionnellement longue pour le genre (comptez entre 30 et 40 heures pour votre premier 100%, rien que ça), chacun pourra trouver des petits défauts à Hollow Knight. En particulier, l'équilibrage de la difficulté pourra agacer les joueurs les moins patients et en rebuter d'autres. Si le jeu de Team Cherry offre en règle générale une difficulté tout à fait abordable, plusieurs pics pourront venir perturber votre balade dans Hallownest. C'est d'autant plus vrai si certains combats de boss bien corsés sont abordés un peu trop tôt dans l'aventure (et donc, avec un aiguillon et des charmes plus faibles), auquel cas il faudra tout miser sur la patience et une bonne connaissance des patterns pour triompher... ou revenir plus tard. D'autres segments du jeu pourront aussi brutalement changer le ton: déjà mentionnés plus haut, les passages de plates-formes à la sauce Super Meat Boy s'allongent considérablement dans certaines zones de fin de jeu et tranchent (au propre comme au figuré) avec le reste de l'aventure. Le contenu proposé par les DLCs gratuits introduit aussi de nouveaux combats de boss et quelques défis dont la difficulté est un cran au-dessus du jeu initial. En particulier, l'extension Godmaster (l'ultime DLC du jeu, proposé à la fin de l'été 2018), qui s'avère être en pratique un mode de boss rush intégré et bien étoffé, propose deux fins inédites... à condition de vaincre la quarantaine de bosses que propose Hollow Knight (plus quelques inédits), l'un après l'autre et sans la possibilité de sauvegarder, certains ayant eu droit à des changements vicieux qui ne manqueront pas de déstabiliser même ceux qui connaissent bien le jeu de base. L'expérience reste néanmoins un bon moyen de revoir tout ce beau monde avant de déposer la manette.

MiniatureSi les déséquilibres ponctuels de difficulté pourront en rebuter certains, la durée de certains trajets et le temps que met le jeu à dévoiler toutes ses richesses pourront éroder la patience d'autres joueurs. Quand bien même les contrôles du chevalier sont rapides et dynamiques, voire instinctifs, se déplacer d'un point précis d'Hallownest à un autre peut demander un certain temps. Bien sûr, il y a des options de fast travel qui prennent principalement la forme de stations de coléoptère (une monture locale), celles-ci permettant de voyager d'une zone à une autre ou de rentrer à Dirtmouth, le petit hameau traversé en début de jeu où l'on pourra retrouver un bon nombre de PNJs. Petit problème: il n'y a jamais qu'une station de coléoptère par zone, sachant que chaque zone est plutôt volumineuse à la base. Pour se rendre à des points d'intérêt bien particuliers, il faudra presque toujours traverser plusieurs salles (et pas forcément des petites) après le trajet à dos de coléoptère pour atteindre sa destination. Ce n'est pas criminel non plus et on a vu bien pire en la matière, mais il était sûrement possible de faire mieux. Mais c'est surtout le temps pour pleinement apprécier le travail abattu par Team Cherry qui pourrait faire partir prématurément les moins patients: comme déjà dit, les premières heures du jeu manquent d'impact, d'une étincelle qui scotche le joueur à son écran jusqu'au générique de fin, sinon d'une idée inédite pour garder sa curiosité éveillée. Ici, il faudra déjà avoir bourlingué quelques heures dans Hallownest pour se rendre compte de l'étendue du jeu et de la richesse (dans tous les sens du terme) du contenu qu'il propose. Hollow Knight est plutôt de la catégorie de ces jeux qui ne paient pas de mine au premier regard, mais qui méritent amplement qu'on leur consacre au moins quelques heures quitte à ne pas être soufflé dès le début.

Par ailleurs, si la construction d'Hallownest dans son ensemble force le respect, il va de soi que toutes les zones ne se valent pas. Selon vos préférences, vous pourrez même avoir quelques petites déceptions ponctuelles. On pourrait par exemple citer, sans la nommer, une certaine zone de la seconde moitié du jeu où le chemin vers l'objectif s'éternise et se montre toujours plus oppressant et piégeur... pour s'achever avec un non-combat de boss. On pourrait aussi mentionner dans les défauts mineurs quelques décisions de conception arbitraires (était-ce indispensable de devoir acheter les outils de cartographie ?) ou encore l'absence d'une véritable attaque en diagonale, ce qui pourra s'avérer légèrement handicapant contre les ennemis volants. Les plus mordus du genre metroidvania, quant à eux, pourront regretter le manque de techniques secrètes (ou nécessitant au moins du doigté) susceptibles de faciliter le sequence breaking. Et ceci afin d'offrir une seconde lecture au jeu (à la manière d'un Metroid: Zero Mission), bien que le rebond (c.-à-d. rebondir sur un obstacle en frappant vers le bas avec l'aiguillon) permet d'accéder prématurément à certains objets ou combats. Autant de défauts légers (voire discutables) qui ne pèsent heureusement pas bien lourd face aux immenses qualités de Hollow Knight, dont la richesse et la cohérence du level design en font un jeu d'exploration 2D clairement au-dessus de la moyenne.

Conclusion

MiniatureSous ses airs de petit metroidvania taillé pour rappeler avant tout de bons souvenirs aux fans du genre, Hollow Knight cache un monde étonnamment dense et riche. Si les premières heures ne vous renverseront pas de votre fauteuil (ou de votre canapé), malgré un emballage visuel et sonore soigné, celles qui suivront pourraient bien vous scotcher jusqu'au générique de fin. Car Hollow Knight est un jeu très généreux avec les explorateurs: entre les secrets à découvrir un peu partout, des charmes à collectionner pour modifier votre style de gameplay en cours de route mais aussi toutes ces zones qu'on pourrait se contenter d'ignorer en fonçant vers le boss final (et la première fin), le jeu de Team Cherry offre tout à la fois un jeu riche et une durée de vie inversement proportionnelle à la taille du chevalier que l'on incarne. Un joli bilan auquel on peut ajouter en prime un univers à la cohérence maîtrisée de bout en bout, en dépit d'un scénario qui fait un peu trop de mystères en début de partie. Bien sûr, on pourra toujours trouver quelques défauts mineurs (et encore, parfois discutables) à l'ensemble, comme des pics de difficulté inattendus ou quelques longueurs, mais à moins d'être allergique au genre, Hollow Knight mérite sa place au panthéon des meilleurs représentants récents du metroidvania, sinon d'être au moins essayé le temps de quelques heures.

Points forts

  • Un monde riche, cohérent et lisible
  • Des contrôles instinctifs
  • Le système de charmes
  • Un visuel charmant
  • Musiques et sound design réussis
  • La durée de vie impressionnante

Points faibles

  • Quelques pics de difficulté brutaux
  • Un début peu percutant et quelques longueurs
  • Le fast travel pourrait être mieux
  • Pas de véritable attaque en diagonale

Critique rédigée après de multiples parties, à la cool, en speedrun et même en mode Âme d'acier, le tout sur Nintendo Switch (principalement en mode portable).

Hollow Knight

Critique rédigée par JefGrailet
Publié le 18/03/2019 à 10:19

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