La sortie récente de « Call of Duty Modern Warfare » a relancé de vifs débats dans la communauté sur le traitement de l'Histoire dans le jeu vidéo
Tout commence avec un niveau « choc » dont Activision a l'habitude de nous abreuver, nommé « route de la mort ». Cette autoroute de la mort, elle a réellement existé. Il s'agissait d'une autoroute située au Koweit, bombardée par la coalition occidentale (États-Unis, France, Royaume-Uni, Canada) lors de la guerre du Golfe, en 1991. Le problème, c'est que les forces irakiennes, qui battaient en retraite, mais également de nombreux civils tentant de fuir les combats ont été pris dans ces bombardements. Sauf que la façon dont cet épisode tragique nous est conté par Activison est tout autre. Dans le jeu, cette attaque est attribuée à l'armée russe : « les Russes l'ont bombardé lors de l'invasion, tuant les gens qui s'échappaient » nous explique un des PNJs. Évidemment, cette réécriture de l'Histoire a beaucoup fait réagir, en premier lieu les joueurs Russes, se scandalisant et appelant au boycott du jeu sur les réseaux sociaux. Pour autant, ce n'est pas la première fois que l'on assiste à ce genre de « révisionnisme » dans le jeu vidéo. Si le jeu vidéo n'a pas vocation à enseigner l'Histoire ou à se substituer à des livres, on peut tout de même s'interroger sur les volontés et les responsabilité des développeurs dans le message passé (volontairement ou non) dans ce genre de cas. La question se pose donc fatalement : à quelle fin ? Certains y verront une volonté claire et nette de propagande, une façon, après les blockbusters hollywoodiens, de développer le « soft power américain » dans le domaine du jeu vidéo. D'autres y verront peut être simplement une manière de simplifier la narration, en présentant un « camp du bien » et un « camp du mal » de manière très manichéenne, nous rappelant les plus beaux moments de cinéma de la guerre froide (Rocky 4, j'écris ton nom).
La saga des Call of Duty n'en est pas à son coup d'essai concernant les réinterprétations historiques
Cependant, qu'un jeu vidéo remanie totalement un pan de l'Histoire, ou réalise certaines « accommodations » pour les besoins du gameplay, du game design ou du scénario, pourquoi pas. Qu'il en déforme sciemment certains points bien précis et pas d'autres, c'est déjà plus discutable. À ce titre, on peut citer la célèbre franchise Assassin's Creed de Ubisoft. Si les jeux de la franchise n'ont jamais été des modèles de crédibilité historique, faisant beaucoup de compromis avec la réalité, les développeurs n'ont que rarement été soumis à de telles accusations de révisionnisme. Et pour cause, difficile de suspecter la firme de propagande politique vu l'acharnement des dirigeants à défendre leur fameux « no politics in our games ».
Quoique... lors de la sortie d'Assassin's Creed Unity en 2014, un certain Jean-Luc Mélenchon s'était indigné du traitement de la Révolution française dans le jeu, y voyant « un dénigrement de la Grande Révolution », faisant passer cet événement pour « un bain de sang, commis par des brutes ». Alexis Corbière, alors responsable du Parti de Gauche, dénonçait quant à lui « la caricature bestiale » faite de Robespierre, grand artisan de cette Révolution. Ce qui n'avait pas manqué de faire réagir le producteur du jeu, expliquant que le Paris de la Révolution n'était qu'un décor servant une histoire plus personnelle. Suite à cela, Jean-Luc Mélenchon avait même décidé d'investir dans une Playstation 4 (pourquoi pas un PC, Jean-Luc ?) afin de voir « par lui-même » de quoi il en retournait. L'Histoire ne dit pas s'il a fini par passer sur la Master Race.
Quoi qu'il en soit, difficile d'accuser Ubisoft d'un quelconque détournement de l'Histoire à des fins propagandistes. Certes, les équipes travaillent en étroite collaboration avec des historiens sur chaque opus de la saga afin de reproduire avec une grande précision les environnements (on se souvient encore du Paris de la Révolution française dans Assassin's Creed Unity ou des îles de la Grèce antique dans le récent « Odyssey »). Cependant, les développeurs ont toujours été clairs en affirmant que ces décors ont toujours représentés de simples toiles de fonds, terrains de jeux propices à servir la narration.
Assassin's Creed Unity a eu le don de déchaîner les passions lors de sa sortie en 2014
D'autres jeux, quant à eux, s'en sortent plutôt avec brio concernant leur réécriture historique. On pense notamment à « Chernobylite », sorti récemment, dont la démarche est plutôt intéressante. Au lieu de nous faire jouer dans un univers post-apo à la sauce S.T.A.L.K.E.R., les développeurs ont pris le parti d'un survival horror se déroulant en parallèle des événements réels. Le joueur évoluera donc au milieu de ces événements, avec des petits arrangements avec la vérité historique, un peu à la manière de la dernière série de HBO. Mais parmi cette tripotée de jeux « révisionnistes », ceux qui assument le mieux leur parti pris sont sans doute les STR ou autres 4X à la Civilization ou Age of Mythologie. Certains poussent même le délire encore plus loin comme Humankind, le nouveau jeu d'Amplitude Studios tout juste annoncé à la Gamescom 2019. Ici, les développeurs ont décidé de pousser le concept encore plus loin en laissant au joueur toute latitude en adoptant à chaque âge une culture différente. Avouez que prendre le contrôle d'une civilisation asiatique et choisir de construire des pyramides en plein milieu du Japon féodal est plutôt alléchante.
Humankind promet d'offrir des possibilités inédites au joueurs en terme de développement d'une civilisation
Au final, le jeu vidéo, à l'instar du cinéma (et peut être même davantage que son grand frère de par sa nature interactive), se prête plutôt bien à diverses réinterprétations historiques. Du moment qu'on ne verse pas dans la grossière propagande... Et vous, que pensez-vous du traitement des événements historiques dans le jeu vidéo ? N'hésitez pas à donner votre avis en commentaire.
Dernière modification le 23/11/2019 à 13:03.
Commentaire
Voir l'entièreté du sujet - Rédiger un commentaire