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The Last of Us Part II

Grandes ambitions confinées

À moins d'avoir arrêté les jeux vidéo au début des années 2010, tout joueur ayant connu la septième génération de consoles a au strict minimum entendu parler de The Last of Us. Si Naughty Dog avait déjà fait date avec la saga Uncharted (et tout particulièrement son deuxième opus, Among Thieves), sa dernière production pour la PlayStation 3 a ébloui critiques et joueurs à sa sortie en juin 2013 et raflé des centaines de récompenses à la fin de la même année, allant jusqu'à éclipser le grand favori Grand Theft Auto V. Le magazine Empire ira jusqu'à comparer The Last of Us avec le film Citizen Kane en termes d'impact sur son propre domaine, tandis que les lecteurs de Gamekult lui décerneront le titre de jeu de la génération. Ce plébiscite, The Last of Us le devait entre autres à sa narration alors sans véritable précédent, son voice acting et sa réalisation exceptionnels pour leur temps, son rythme de jeu maîtrisé ou encore sa fin percutante. Forcément, quand on doit développer une suite à un tel jeu, la pression est énorme. Bien que son développement ait été amorcé dès 2014, The Last of Us Part II ne sera confirmé que fin 2016, et il faudra patienter jusqu'en juin 2020 après plusieurs reports (la première date annoncée étant le 21 février 2020) pour découvrir cette suite, 7 ans après le premier épisode.

Mais 7 ans, c'est l'équivalent d'une génération de jeux vidéo entière. Alors que les jeux de tir à la troisième personne étaient légion au début des années 2010 et que The Last of Us se présentait comme un best of en la matière, le paysage vidéoludique en ce début de décennie (et de nouvelle génération) est dominé entre autres par les mondes ouverts. Et quand un jeu n'est pas un monde ouvert, il n'est pas rare qu'il propose un level design à plusieurs embranchements où le backtracking est possible, à l'instar des productions de From Software (Dark Souls III, Bloodborne et Sekiro: Shadows Die Twice) et des immersive sims (tels Dishonored 2, Deus Ex: Mankind Divided ou encore Prey). Dans un tel contexte, le premier Last of Us pourrait paraître daté si on s'arrête à son game design seul. The Last of Us Part II doit donc non seulement succéder à un des jeux les plus récompensés de l'histoire du jeu vidéo, mais aussi prouver qu'il peut faire évoluer un type de jeu dont l'âge d'or est loin derrière nous. Que peut donc bien nous offrir la dernière superproduction de Naughty Dog ? Réponse(s) dans les lignes qui suivent.

La deuxième vague

MiniatureThe Last of Us Part II s'ouvre sur un bref rappel des évènements du premier épisode, et tout particulièrement sa conclusion. Après une année passée à traverser les Etats-Unis et à braver tous les dangers, Joel Miller et Ellie avaient atteint l'hôpital de Salt Lake City, où la jeune fille était attendue avec fébrilité. Celle-ci représentait en effet un espoir inouï: elle avait acquis miraculeusement une immunité contre le cordyceps, le champignon parasite qui a mis l'humanité à genoux (le cordyceps existe vraiment, mais ne s'attaque heureusement qu'aux insectes et aux araignées). Mais la conception d'un vaccin fissa avait un prix: les médecins devant prélever des échantillons dans son cortex cérébral, Ellie n'aurait pu y survivre. Déjà profondément meurtri par la mort de sa propre fille lorsque la pandémie de cordyceps a éclaté, et s'étant attaché malgré lui à Ellie, Joel est entré dans une colère noire et a empêché in extremis le prélèvement fatidique, non sans tuer sauvagement la moitié de l'hôpital. Pour ne rien arranger, Ellie étant inconsciente au moment de son sauvetage, Joel avait décidé de lui mentir sur l'issue de l'opération à son réveil, prétendant que les médecins les ont laissés s'en aller après avoir réalisé des tests infructueux sur Ellie. La décision terrible (mais humaine) de Joel et son mensonge vont hanter tout le récit de Part II, qui débute dans la bourgade de Jackson (là où le premier jeu s'était terminé), où une communauté de survivants s'est établie et a pu reprendre une vie à peu près normale. Protégée des infectés par des fortifications et autonome en nourriture, la petite ville peut même se permettre une école et des évènements culturels. Désormais une jeune femme, Ellie y mène une vie presque normale. Presque, car elle participe depuis peu aux tours de garde autour de Jackson pour empêcher les infectés de s'approcher de trop près. C'est justement lors d'un tour de garde qu'un premier évènement majeur (je vous laisse la surprise) va bousculer le quotidien presque tranquille d'Ellie et la pousser, quelques jours plus tard à peine, à prendre la route pour Seattle.

MiniatureSi le récit de Part II démarre sur les chapeaux de roue, il évite soigneusement d'évoquer l'une ou l'autre question restée en suspens. Entre autres, ce qu'a pu penser Ellie du mensonge de Joel dans les années qui suivirent leur arrivée à Jackson demeure un mystère à ce stade du jeu. Rassurez-vous, chaque chose arrivera en son temps: ce sujet (et bien d'autres) finiront par être évoqués par toute une série de flashbacks. De ce côté, Part II propose déjà un changement de taille: alors que le premier épisode avait présenté le parcours de Joel et Ellie dans l'ordre où les évènements avaient eu lieu, cette suite opte pour un récit non-linéaire et n'hésite pas à aller et venir dans la chronologie des évènements. Les enjeux de cette narration sont avant tout dramatiques: c'est parfois au moment où le joueur se posera le plus de questions sur un aspect de l'histoire que Part II l'enverra quelques années en arrière pour lui apporter des réponses. Et il faut reconnaître que certaines séquences font mouche, aussi bien pour le moment où elles arrivent que pour la performance des acteurs. Troy Baker et Ashley Johnson ont bien sûr repris leurs rôles respectifs de Joel et Ellie pour l'occasion et délivrent une fois de plus des performances remarquables de par leur justesse. Mais ils ne sont pas seuls: la doubleuse Laura Bailey tire également son épingle du jeu en incarnant un nouveau personnage-clé, que je me garderai bien de présenter ici pour ne rien divulgâcher (bien que le personnage en question apparaisse très tôt).

MiniatureNéanmoins, la non-linéarité des évènements de Part II n'a pas pour seul but d'émouvoir en plaçant les flashbacks au meilleur moment possible. Naughty Dog cherche aussi très clairement à faire douter le joueur sur le bien-fondé des actions de chaque personnage, notamment en offrant plusieurs retournements de situation audacieux. La conclusion du premier épisode avait déjà marqué les esprits en plaçant Joel face à un dilemme moral qui ne pouvait que le faire descendre de son piédestal de héros protecteur à tous les coups. Dans ce Part II, les situations à même de remettre en question tout le récit sont bien plus nombreuses. Dans le monde de The Last of Us tel que présenté dans ce deuxième épisode, rien n'est blanc ou noir: tout est gris. Cette grisaille n'imprègne pas seulement le scénario, mais aussi les décors. Si le premier épisode permettait déjà de se faire une idée de l'Amérique post-apocalyptique selon Naughty Dog, beaucoup de segments de l'aventure se contentaient finalement de traverser des décors en ruines sans forcément permettre au joueur d'apprécier ce qu'il en reste, bien que certains chapitres sortaient du lot (on pensera par exemple à ce campus universitaire traversé à la fin du chapitre de l'automne). Dans Part II, les décors se montrent plus riches en détails et en traces laissées par leurs précédents occupants, si bien que les joueurs méticuleux se surprendront régulièrement à jouer les archéologues amateurs pour élucider le destin (souvent cruel) de ceux-ci, dont les corps (infectés ou non) ne sont jamais bien loin. Dans les premières heures, on pourra par exemple découvrir ce qu'il reste d'un braquage de banque qui a (très) mal tourné, ou encore un garage rempli d'infectés qui ne sont autres que les victimes d'un traquenard cruel (les malheureux ayant été enfermés de force à proximité de spores du cordyceps). Si beaucoup d'histoires et d'anecdotes qui imprègnent les décors de Last of Us Part II sont encore transmises en partie via des messages écrits laissés un peu partout, la quantité et la qualité des détails visuels forcent le respect et en disent souvent long sur les lieux. Les quelques minutes passées à Jackson en tout début de jeu suffisent amplement à se faire une idée du niveau de vie des locaux, pratiquement sans passer par des messages écrits à collecter ni par des dialogues d'exposition artificiels.

MiniatureBien entendu, la fouille des décors ne sera pas seulement utile pour comprendre les évènements qui s'y sont déroulés. Après tout, The Last of Us reste un jeu de survie à la troisième personne. Passer au peigne fin les décors permettra aussi et surtout d'y récupérer des matériaux qui permettront au joueur, tel MacGyver, de concevoir des équipements de fortune qui permettront de tromper ou d'éliminer rapidement (et de préférence en silence) les ennemis, humains comme infectés, qui viendront vous barrer la route. Ceux-ci ne sont pas en reste: l'intelligence artificielle des ennemis a fait un véritable bond en avant. Du côté des infectés, qui conservent leurs comportements classiques et accueillent quelques nouvelles têtes, les améliorations sont visibles sans pour autant changer la donne. C'est surtout du côté des ennemis humains, plus nombreux dans Part II, que les progrès sont flagrants: moins scriptés dans leurs rondes et plus minutieux dans leur inspection des décors, ils n'hésiteront pas à s'attarder davantage sur le moindre bruit ou mouvement d'herbe suspect et seront beaucoup plus attentifs à leur camarades. Naughty Dog a même poussé le vice jusqu'à donner des prénoms à tous les ennemis non-infectés, tant et si bien que si un garde tombe sur le cadavre d'un de ses camarades lors de sa ronde, il donnera l'alerte générale en criant le nom de la victime. Bien sûr, le gameplay manette en mains a évolué lui aussi: Ellie est non seulement plus mobile que son tuteur (elle peut plus facilement sauter, ainsi que s'accroupir et ramper dans les hautes herbes) et plus souple en combat au corps-à-corps, mais peut aussi et surtout fabriquer plus d'outils pour rester discrète ou tromper ses assaillants. Elle pourra notamment fabriquer un silencieux pour son pistolet en combinant une bouteille vide et un chiffon, bien pratique pour éliminer une poignée d'ennemis encombrants sans faire de bruit (le silencieux étant limité en utilisations). Mieux: à condition de trouver des manuels de survie (certains étant disposés bien en vue, d'autres étant cachés), le joueur pourra débloquer de nouvelles recettes pour fabriquer d'autres équipements ou améliorer celles dont il dispose déjà. De ce point de vue, Naughty Dog ne s'est clairement pas reposé sur ses lauriers: Last of Us Part II a enrichi le gameplay de son aîné à tous les étages, en plus de regorger d'une quantité phénoménale de détails visuels et sonores. La palme du jusqu'au-bout-isme revient sans doute aux améliorations des armes: si ce mécanisme n'a guère évolué par rapport au premier épisode (il est toujours question de collecter des pièces détachées et de les utiliser à des établis disposés un peu partout), chaque amélioration a droit à une cinématique montrant avec précision comment l'arme est modifiée.

« The Last of Us Part II a enrichi le gameplay de son aîné à tous les étages, en plus de regorger d'une quantité phénoménale de détails visuels et sonores. »

Entre déconfinement et reconfinement

MiniatureLes 7 années qui séparent Part II de son prédécesseur ont donc été bien mises à profit par Naughty Dog: peu de jeux peuvent se vanter de proposer un tel soucis du détail à tous les niveaux. Cependant, une des qualités du premier Last of Us était son rythme maîtrisé de bout en bout, jamais ennuyeux mais jamais pétaradant comme ont pu l'être les Uncharted qui l'ont précédé. C'est notamment ce rythme qui a permis de développer calmement et sans fioritures la relation entre Joel et Ellie, tout en étant très constant dans sa proposition de jeu. Peut-être même un peu trop, puisque le manque de renouvellement du gameplay a pu donner l'impression à certains joueurs qu'il était un prétexte pour développer le scénario, alors que le jeu vidéo fait d'habitude l'inverse. Et le grand problème de Part II, c'est qu'il ne choisit jamais clairement entre ces deux options, et pourra tantôt offrir de grands moments de jeu, tantôt des séquences où le joueur n'est plus que spectateur, pour le meilleur et pour le pire. Les flashbacks mentionnés un peu plus tôt sont un cas d'école: s'ils sont souvent géniaux pour éclairer les relations entre les différents protagonistes du monde de The Last of Us, ils réduisent souvent le gameplay du jeu à sa plus simple expression. Les insertions de didacticiels dans ceux-ci - c'est lors d'un flashback qu'on découvre les contrôles pour nager et plonger - n'y font rien: à quelques exceptions près, on se contente de se déplacer passivement et d'écouter les différents dialogues. Aussi intéressants soient-ils, leur durée pourra véritablement casser le rythme de l'aventure, surtout quand l'action présente du jeu est a contrario tendue et requiert toute l'attention du joueur pour survivre aux différents dangers qui se dresseront sur sa route. Certes, on pourrait considérer que ces flashbacks sont aussi une forme de récompense après avoir traversé un segment difficile, histoire de souffler un peu avant de se replonger dans l'action. Sauf que ceux-ci s'étalent souvent sur plusieurs dizaines de minutes (surtout si vous avez envie d'épuiser tous les dialogues jusqu'au bout), et que l'action elle-même est irrégulière. Si les aventures de Nathan Drake (Uncharted) sont officiellement terminées, on peut sentir par moment dans The Last of Us Part II que Naughty Dog n'a pas tout à fait tourné la page, puisqu'on pourra tomber par moment sur des séquences d'action semblant sortir de nulle part où ça pète de partout, à l'exception d'une séquence tout simplement exceptionnelle dans le dernier quart du jeu qui est annoncée à demi-mot à plusieurs reprises durant l'aventure.

MiniatureÀ vrai dire, le retournement de situation le plus osé du jeu coïncide justement avec sa plus grande rupture dans son tempo. C'est-à-dire que Part II décide, lors d'une scène cruciale, de renvoyer brutalement le joueur beaucoup plus tôt dans la chronologie pour apporter un éclairage sur l'évènement qui se passe dans le présent. Sur le papier, l'idée est louable et cohérente avec l'intention de Naughty Dog de dépeindre un monde violent où personne n'est tout à fait blanc ou noir. Dans la pratique, certains joueurs pourront trouver l'idée virtuose, tandis que d'autres auront l'impression de passer du coq à l'âne. Dans les deux cas, une fois le tableau complet, on pourra penser que le scénario a été raconté de manière chaotique et aurait gagné à être présenté dans un autre ordre. Selon votre perception de l'histoire, certains enchaînements de séquences pourront au mieux sembler curieux, au pire forcer un peu trop le trait. Malgré tout, force est de reconnaître que Naughty Dog a été très ambitieux en la matière: non seulement Part II déborde de détails et de thèmes, mais il a aussi beaucoup de choses à nous raconter. Peut-être même trop: à force de vouloir incorporer un maximum de thèmes (d'actualité ou liés au genre post-apocalyptique), Part II ne prend pas toujours le temps de bien les développer, si bien que certains ne sont touchés qu'en surface, comme si l'unique justification de leur présence était de cocher des cases dans un cahier de charges. Certains détracteurs du jeu pourront aussi lui reprocher son intrigue principale finalement assez simple, mais c'est tous les développements autour de celle-ci qui font l'intérêt du jeu. Car The Last of Us Part II reste un jeu: tous les évènements ou presque seront vécus à la troisième personne, quitte à les subir ou à devoir agir de façon contre-intuitive. De ce point de vue, la dernière production en date de Naughty Dog se place carrément à l'opposé d'une des grandes tendances de la décennie passée: laisser le choix au joueur. Qu'il s'agisse de laisser le joueur choisir son approche pour finir une quête ou une mission (on pense par exemple aux héritiers directs ou spirituels de Deus Ex: Human Revolution et Dishonored) ou de lui laisser explorer tout un monde dans l'ordre qu'il veut (Breath of the Wild étant un exemple incontournable), les jeux d'action/aventure sortis pendant la huitième génération de consoles ont souvent veillé à étendre les libertés offertes au joueur. Dans le monde de The Last of Us, c'est le contexte, dur et impitoyable, qui va contraindre le joueur à traverser bien des moments difficiles, et ce même si le jeu laisse en pratique la possibilité de traverser la plupart des chapitres sans se faire repérer et sans tuer personne. En soi, les bases du gameplay de Part II sont quasiment celles d'un immersive sim, puisqu'on peut aussi bien la jouer fine qu'enchaîner les massacres, mais au lieu de construire l'histoire selon les décisions du joueur, Naughty Dog lui fait subir celle-ci autant que les personnages eux-mêmes la subissent, bien plus encore que dans le premier épisode. Si cette vision des choses est à contre-courant de ce que bien des jeux de la huitième génération de consoles ont pu offrir, elle a le mérite d'exister et d'être cohérente de bout en bout. La plus grande réussite de The Last of Us Part II, quelque part, est d'avoir fait en sorte qu'on n'en ressorte pas tout à fait indemne.

MiniaturePour autant, n'allez pas croire que The Last of Us Part II n'a d'intérêt que pour son monde et sa manière de le raconter. D'un point de vue ludique, il tient même beaucoup mieux la longueur que son aîné grâce à son gameplay plus riche mais aussi et surtout quelques chapitres très réussis. Entre autres, plusieurs environnements sont plutôt ouverts et offrent quelques bouffées d'air frais entre deux séquences plus dirigistes. Un environnement au tout début du jeu se présente même comme un mini-monde ouvert qu'on peut très bien traverser sans se retourner, mais qu'on peut aussi explorer à loisir pour en apprendre plus sur ce qui s'est passé à Seattle suite à la pandémie de cordyceps. Qui plus est, cette ouverture n'empêche pas le jeu d'enchaîner dialogues et rencontres infortunées avec des infectés, preuve que Naughty Dog est largement capable de concevoir un level design ouvert sans trahir ses intentions en matière de narration environnementale ou de gameplay orienté vers la survie. Environnement urbain oblige, Part II propose également plusieurs décors tout en verticalité très réussis, en particulier dans la seconde moitié du jeu. Alors que le level design du premier Last of Us était assez classique, celui de Part II pourra étonner, prouvant au passage que Naughty Dog est largement capable de sortir momentanément du carcan du "TPS couloir", genre qui proliférait plutôt durant la septième génération de consoles. Hélas, le studio californien n'échappe pas totalement à ses vieux démons: si certains segments de l'aventure laissent plus de place à l'exploration et la contemplation, d'autres s'apparentent encore à des couloirs délimités de façon très artificielle (buissons touffus, grillages sommaires, etc.) et que le jeu tente maladroitement de rendre plus "jeu vidéo" en mettant des obstacles à déplacer pour ouvrir un passage, sinon à activer avec un quick time event. Heureusement, ce problème est nettement moins présent qu'il ne l'était dans le premier épisode. Toujours est-il que The Last of Us Part II semble encore un peu trop à l'étroit malgré ses élans. Certes, le dirigisme de l'aventure n'a pas été choisi sans raison par Naughty Dog, puisqu'il sert le développement de l'histoire. Toutefois, les quelques segments du jeu où le studio a expérimenté un peu plus d'ouverture laissent penser qu'il est largement possible de réaliser un jeu entier de cette trempe. Enfin, si le gameplay tient beaucoup mieux sur la durée dans l'ensemble, il s'essouffle brutalement dans le tout dernier segment de l'aventure. Introduit à la va-vite (le cadre étant moins élaboré que le reste du jeu) et n'offrant rien de neuf par rapport au reste du jeu, l'ultime décor du jeu prolonge inutilement l'aventure en proposant un level design assez banal qui n'aurait guère choqué s'il s'était retrouvé dans le premier épisode. Si Part II est une évolution nette par rapport au premier épisode, il se heurte encore aux limites de son propre genre au lieu de chercher à les transcender. À moins qu'il s'agisse du prochain chantier de Naughty Dog ?

Quoi qu'il en soit, le studio californien n'est pas à prendre en défaut sur le plan de la réalisation. Les quelques captures d'écran disposées dans cette critique parlent d'elles-même: The Last of Us Part II est tout bonnement magnifique, tant pour l'animation des personnages (en particulier les animations faciales) que pour le niveau de détails de chaque environnement, qu'il s'agisse du décor lui-même ou de ses effets visuels, notamment avec les particules (les spores de cordyceps, quand il y en a) et les effets de lumière. Mieux: alors que le rafraîchissement de l'image du premier Last of Us sur PS3 souffrait assez souvent de légères chutes, celui de Part II est rarement à prendre en défaut (tout du moins sur PlayStation 4 Pro). Bien sûr, un tel résultat était attendu, de même que pour l'ambiance sonore, discrète mais toujours à-propos, qui s'inscrit dans la continuité du premier épisode. Les efforts pour rendre l'expérience accessible à tous sont déjà plus étonnants: dès le début de la partie, The Last of Us Part II vous bombarde d'options et de réglages en tout genre pour adapter les graphismes, la prise en main et même la difficulté, qui ira de la promenade de santé au parcours de combattant selon vos choix. Une proposition qui paraît presque paradoxale, quand on sait que le jeu lui-même n'essaie absolument pas de ménager le joueur ! Seule ombre au tableau: à la manière de certains jeux de fin de septième génération (qui a dit GTA V ?), The Last of Us Part II requiert une installation préalable assez volumineuse via un disque dédié. Il faudra donc insérer cette première galette dans sa PS4 pour préparer le terrain, avant de pouvoir insérer la galette de jeu qui permettra de lancer la partie.

Conclusion

MiniatureIndéniablement, The Last of Us Part II est un jeu qui restera dans les mémoires, mais pas forcément de la même manière que son illustre aîné. La dernière production en date de Naughty Dog impressionne par la densité de son monde post-apocalyptique, la quantité de thèmes évoqués ainsi que son jusqu'au-bout-isme dans sa représentation visuelle de ceux-ci (notamment la violence). Le studio californien démontre une fois de plus tout son savoir-faire en termes de mise en scène et de réalisation, sans oublier son sens aigu du détail, mais montre aussi qu'il ne se repose pas pour autant sur ses acquis: non content d'être un travail d'orfèvre sur le plan visuel, Part II a aussi fait de grands progrès par rapport à son prédécesseur en termes de narration environnementale ainsi qu'au niveau du gameplay. Non content d'offrir plus d'options au joueur pour se sortir des mauvaises situations, il offre aussi une intelligence artificielle beaucoup plus convaincante et quelques fulgurances de level design. Néanmoins, The Last of Us Part II montre aussi clairement les limites de son propre genre. Si la linéarité était la norme dans les jeux à la troisième personne il y a 10 ans, beaucoup d'environnements traversés semblent aujourd'hui cloisonnés de façon artificielle, d'autant plus que certains segments du jeu démontrent que Naughty Dog est clairement capable de proposer des décors plus ouverts, plus adaptés à l'exploration comme la contemplation. Bien sûr, le dirigisme de l'aventure n'est pas dû au hasard: le studio californien en a besoin pour mettre en oeuvre ses ambitions narratives. C'est peut-être sur ce point que The Last of Us Part II fera encore longtemps débat: bien que la non-linéarité du récit fasse souvent mouche, elle a aussi tendance à casser le rythme de l'aventure. L'obsession de Naughty Dog pour les retournements de situations pourra parfois agacer, tandis que la multitude de thèmes mis en évidence pour être au final tout juste effleurés donne parfois l'impression que le studio essaie de "cocher toutes les cases" pour ne laisser rien ni personne sur le carreau. Cette volonté de bousculer à tout prix pourra occasionnellement passer pour de la maladresse et rend le jeu peut-être plus dense et plus long que nécessaire: comptez entre 20 à 30 heures (selon votre propension à passer les décors au peigne fin) pour connaître le fin mot de l'histoire, non sans être passé par un dernier acte peu inspiré qui peine à renouveler le gameplay comme le cadre de l'histoire. Quoi qu'il arrive, The Last of Us Part II demeure un titre hors normes qui ne laisse pas insensible, mais dont les successeurs devront faire la synthèse pour enfin donner un coup de jeune au genre. C'est tout le mal qu'on souhaite à Naughty Dog en vue de ses prochaines productions.

Points forts

  • Un monde riche en thèmes et en détails
  • La narration environnementale
  • Une belle évolution du gameplay et de l'IA
  • Réalisation exceptionnelle
  • Des scènes mémorables
  • Quelques fulgurances de level design

Points faibles

  • Des décors encore trop cloisonnés
  • Le rythme inégal
  • En fait parfois trop
  • L'impression que le jeu coche des cases
  • Le dernier niveau, peu inspiré

Critique rédigée après environ 30 heures de jeu sur PlayStation 4 Pro.

The Last of Us Part II

Critique rédigée par JefGrailet
Publié le 26/01/2021 à 15:59

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