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Metroid Dread

Le (grand) retour de Samus

L'histoire est parfois impitoyable envers les grandes licences. Au cours des années 2000, les joueurs agacés par le manque de renouvellement des licences de Nintendo se plaignaient souvent de n'avoir que "Mario, Zelda et Metroid" au menu, une rengaine qui s'est malheureusement transformée en "Mario et Zelda" dès la décennie suivante. Au cours des années 2000, Metroid était en grande forme: entre deux très bons épisodes en 2D sur Game Boy Advance, l'excellente trilogie Metroid Prime sur Gamecube et Wii, et même une variante multijoueurs plutôt réussie sur Nintendo DS (Metroid Prime: Hunters), la série créée à l'origine par feu Gunpei Yokoi était forcément synonyme de qualité. Malheureusement, après la fin de la trilogie Prime, les joueurs n'ont pu se contenter que d'un épisode à part, Other M (sorti en 2010 sur Wii), qui a tenté de marier gameplay 2D et 3D tout en étoffant le personnage de Samus Aran. Supervisé par Nintendo mais développé par Team Ninja (alors connu pour les Ninja Gaiden et Dead or Alive), Other M prenait même des airs de beat'em all du côté des affrontements. Malgré ses bonnes intentions, Other M n'a eu droit qu'à une réception tout juste positive dans la presse (un petit 79% sur Metacritic, pour une série qui a l'habitude des 90%), tandis que de nombreux fans de longue date en sont ressortis déçus: non seulement le gameplay n'était pas aussi abouti qu'à l'accoutumée, mais le jeu souffrait en plus d'une progression beaucoup trop dirigiste, mettant en pratique l'exploration au placard au profit de l'action. Et c'est sans oublier les nombreuses critiques formulées à l'égard du scénario, notamment vis-à-vis de son traitement de Samus, présentée comme bien plus faillible que dans le reste de la série. Pour enfoncer un peu plus le clou, Metroid: Other M a manqué son objectif initial de ventes, ne parvenant qu'à environ un demi-million de copies vendues fin 2010 en Amérique du Nord. Après ce semi-échec et le départ de Retro Studios pour de nouveaux horizons (le studio texan travaillant sur le premier Donkey Kong Country Returns pendant le développement de Other M), la licence a disparu de l'actualité... si on excepte le spin-off tristounet Metroid Prime: Federation Force sur Nintendo 3DS (2016), auquel les fans les plus rancuniers donneront le sobriquet "Federation Farce".

MiniatureL'histoire aurait pu rester sans suite encore un long moment, mais c'était sans compter l'intervention inattendue de nos amis Espagnols. Point question d'Inquisition ici, mais plutôt d'un partenariat inédit: celui de Nintendo et du studio madrilène MercurySteam Entertainment, qui s'est fait connaître avec les Castlevania: Lords of Shadows sur Xbox 360 et PlayStation 3. Grands fans de la saga Metroid, MercurySteam proposera à Nintendo de développer un remake de Metroid Fusion (sorti sur Game Boy Advance en 2002) après avoir fait un premier jeu d'action/exploration sur Nintendo 3DS, à savoir Castlevania: Lords of Shadows - Mirrors of fate. Si Yoshio Sakamoto (le producteur des Metroid en 2D) a refusé l'offre initiale (comme rappelé dans cet article en anglais), il a néanmoins admiré leur enthousiasme, au point de leur confier le remake de l'antique Metroid II: Return of Samus. Ce qui donnera le très bon Metroid: Samus Returns, sorti en septembre 2017. Modernisant aussi bien la direction artistique et l'univers de cet épisode que le gameplay de Metroid en 2D, Samus Returns manquait peut-être d'encore un peu de finesse ici et là pour vraiment marquer les esprits, en particulier à une époque où le metroidvania est bien mieux représenté (ne citons que l'excellent Hollow Knight). On ignorait alors, à l'époque, que MercurySteam allait ensuite travailler sur rien de moins que Metroid 5, aujourd'hui connu sous le nom de Metroid Dread. L'annonce du jeu dans le cadre de l'E3 2021 a été d'autant plus une surprise pour les fans de longue date que le nom du jeu semble revenir du fond des âges: en effet, dès 2005, des rumeurs pour un hypothétique Metroid Dread sur Nintendo DS sont apparues ici et là sur le Web. Si la mention d'un "projet Dread" dans un scan de Metroid Prime 3: Corruption (sorti fin 2007 sur Wii) ne fera que jeter de l'huile sur le feu, Nintendo n'officialisera jamais le titre... du moins sur DS, même si le projet a bel et bien existé. Ce qui fait que les aventures en 2D de Samus Aran sont restées sans suite depuis Fusion, Zero Mission et Samus Returns étant tous deux des remakes. Metroid Dread doit donc relever plusieurs défis: non seulement il se doit d'offrir un héritier digne de ce nom à Super Metroid et Metroid Fusion, mais il doit en plus montrer que la série a encore son mot à dire dans un genre qui n'a jamais été aussi représenté sur le marché. Heureusement pour nous, MercurySteam a largement profité de l'expérience acquise sur Metroid: Samus Returns, et a même encore fait des progrès... le bon élève serait-il passé maître ? Réponse dans les lignes qui suivent.

Un jeu qui a le bec fin

MiniatureÀ l'issue de Metroid Fusion, Samus Aran semble avoir sauvé la galaxie d'une menace sans précédent: les parasites X, des créatures gélatineuses capables de répliquer l'apparence et les capacités de leurs hôtes. Ramenés par mégarde de la planète SR-388 sur la station BSL (où se déroule Fusion), les parasites X y ont très vite semé le chaos après avoir failli tuer Samus elle-même en infectant sa combinaison. Elle ne doit alors son salut qu'à un sérum à base d'ADN de métroïde, qui l'immunise aussi contre les X et fait d'elle la seule chasseuse de primes capable de les affronter. Pour complètement éliminer la menace, Samus n'a toutefois d'autre choix que de modifier l'orbite de la station BSL pour la faire entrer en collision avec SR-388, détruisant au passage tous les X encore en vie sur la planète. Tous ? Peut-être pas: la Fédération Galactique a en effet reçu une mystérieuse vidéo montrant un X vivant et en liberté. Non seulement la vidéo paraît authentique, mais elle est en plus dépourvue de message et en provenance d'une planète jusqu'alors inexplorée: ZDR. Pour enquêter, la Fédération a envoyé en mission de reconnaissance sept E.M.M.I. (pour Explorateurs Mobiles Multiformes Interplanétaires), des robots dernier cri dont le blindage pratiquement indestructible, la mobilité et l'intelligence devraient maximiser les chances de réussite. Mais le contact avec les E.M.M.I. est rapidement perdu, poussant Samus Aran, candidate toute désignée pour mener l'enquête, à se rendre sur place pour tirer les choses au clair. La chasseuse de primes n'est pas au bout de ses peines: à peine arrivée sur ZDR, Samus tombe nez-à-nez avec un guerrier Chozo (la race extraterrestre qui a créé la combinaison de Samus ainsi que les métroïdes aperçus dans Samus Returns) vêtu d'une combinaison de puissance proche de la sienne, qui ne tarde guère à faire feu. Au bout d'un bref combat, le guerrier immobilise notre héroïne et semble sur le point de l'achever... mais celle-ci va plutôt s'évanouir. Un bref coma plus tard, Samus se réveille dépouillée de toutes ses capacités et au fin fond d'une planète inconnue. Et pour ne rien arranger, elle rencontre bien assez vite un E.M.M.I. endommagé qui la prend en chasse.

MiniatureLe sous-titre Dread, que l'on pourrait traduire par "terreur", n'a pas été choisi par hasard: dans les entrailles de ZDR, Samus Aran va régulièrement être la proie plutôt que le chasseur. Non seulement elle ne dispose pas de la puissance de feu nécessaire pour abattre un E.M.M.I., mais elle doit en plus à tout prix garder ses distances: si un E.M.M.I. parvient à rattraper Samus, il l'immobilise sur place et porte le coup de grâce avec une précision chirurgicale. La première rencontre de Samus avec un E.M.M.I. permet heureusement de se familiariser avec l'unique méthode pour en venir à bout: s'accaparer temporairement l'énergie d'un superordinateur organique (dont l'apparence n'est pas sans rappeler Mother Brain, un des principaux antagonistes de la saga) et la renvoyer de manière concentrée en plein dans l'unique oeil du robot. Mais si cet ordinateur est hors d'atteinte, Samus ne peut que fuir, son unique chance de survie en cas de duel étant d'étourdir l'E.M.M.I. quelques secondes en le frappant avec son canon exactement au moment où il tente de la saisir. Vu de loin, ce jeu de chat et de la souris pourrait rappeler quelques souvenirs à ceux qui ont joué à Metroid Fusion: en effet, Samus avait déjà été prise en chasse au sein de la station BSL par le SA-X, une réplique de Samus au maximum de ses capacités. Cependant, les quelques courses-poursuites avec le SA-X étaient intégralement scriptées et ne représentaient qu'une toute petite fraction du temps de jeu total. Dans Metroid Dread, les E.M.M.I. patrouillent dans de larges secteurs au sein des différentes zones de ZDR de manière autonome, mûs par leur propre intelligence artificielle. Car ils sont "Mobiles Multiformes", ils peuvent se déplacer facilement sur les plafonds et à travers les lieux étroits ou irréguliers, si bien qu'ils n'auront aucun mal à rattraper Samus au moindre bruit suspect, par exemple quand elle court à proximité. Si par malheur elle apparaît dans leur champ de vision, les seules options restantes seront la fuite ou une contre-attaque parfaitement placée. En somme, Metroid Dread a efficacement systématisé le concept du SA-X de Fusion, qui ne se résume plus à quelques séquences scriptées mais bien à des phases de jeu à part entière. On se surprendra souvent à voir un E.M.M.I. prendre des chemins différents entre deux tentatives de traverser un même secteur, quand il n'apparaît pas à un endroit complètement différent de la tentative précédente. La pression ressentie au moment de traverser une zone E.M.M.I. est d'autant plus grande lorsqu'on découvre le jeu pour la première fois et qu'on ne sait pas encore où aller exactement. Heureusement pour Samus Aran, ainsi que les joueurs qui n'ont pas le sens de l'orientation, un camouflage optique obtenu bien assez tôt permettra de se cacher juste assez longtemps pour qu'un E.M.M.I. passe à côté et se rende à l'autre bout de son secteur.

MiniatureMetroid Dread a toutefois bien plus à offrir qu'un jeu du chat et de la souris avec des sentinelles meurtrières: après tout, il s'agit toujours d'un jeu d'exploration où il faudra aller et venir entre les différentes zones de la carte pour pouvoir progresser. Si Samus Returns consistait à faire le grand nettoyage dans chaque zone avant de passer à la suivante, Dread concilie plutôt les approches de Super Metroid et Metroid Fusion. De prime abord, c'est surtout l'influence du second qui semble prévaloir: comme sur la station BSL, Samus passera régulièrement par des salles de briefing (qui font également office de points de sauvegarde) où son assistant informatique personnel (Adam, déjà présent dans Fusion) commentera la situation et donnera quelques pistes pour la suite de l'aventure, l'objectif principal étant de regagner le vaisseau de Samus posé sur la surface de ZDR. Toujours à l'instar de Fusion, parcourir ZDR une première fois en suivant les indications d'Adam se fait sans trop d'encombre, voire même de manière un peu linéaire: en effet, les quelques retours vers des zones déjà visitées sont simplifiés grâce à quelques téléporteurs bien placés (déjà présents dans Samus Returns) ou des juxtapositions heureuses. Visiter ZDR ne sera pas une promenade de santé pour autant: fidèle à la recette historique de la série Metroid, Dread est aussi un jeu porté sur l'action. Les créatures hostiles sont omniprésentes, et il faudra tantôt naviguer avec agilité, tantôt blaster à tout va pour traverser (et nettoyer) les différents secteurs de ZDR. Heureusement pour le joueur, Samus Aran n'aura jamais été aussi agile que dans cet épisode: non seulement elle se déplace sensiblement plus vite que par le passé, mais son éventail de mouvements s'est aussi affiné. En plus de pouvoir s'accrocher aux rebords et de pouvoir rebondir sur les murs, Samus peut maintenant utiliser une glissade pour esquiver des attaques ou s'insérer facilement dans des espaces étroits.

MiniatureDe part la mobilité accrue et affinée de Samus, Metroid Dread modernise le gameplay de ses aînés tout en offrant le même degré de finesse, ce que MercurySteam n'avait pas tout à fait réussi à proposer avec Samus Returns. Pourtant, la plupart des innovations de gameplay de ce dernier sont toujours bien là: on retrouve la visée libre, le contre au corps-à-corps ou encore la jauge Aieon, qui conditionne l'accès à des capacités temporaires. En particulier, comme déjà discuté dans ces colonnes, le contre au canon de Samus Returns avait tendance à pousser le joueur à attendre qu'un ennemi attaque pour faire quelque chose, puisque tirer dessus - la tactique classique dans Metroid - était moins efficace. Si la mécanique du contre est reprise à l'identique dans Dread (il s'agit toujours d'appuyer sur X au bout moment), son utilisation a profité d'un rééquilibrage salvateur: non seulement un missile ou un rayon chargé pourront efficacement remplacer le contre pour les ennemis les plus faibles, mais ceux pour lesquels le contre est plus intéressant attaquent quasiment dès l'instant où ils aperçoivent Samus. Mieux: il est possible de placer un contre en pleine course (animation dédiée à l'appui), si bien que le contre s'insère maintenant à la perfection dans l'action qu'on est en droit d'attendre d'un Metroid en 2D. Cerise sur le gâteau: la visée libre est désormais utilisable en pleine course. Seul un minuscule détail pourrait encore titiller les joueurs les plus exigeants en matière de contrôles: le rayon grappin mobilise trois boutons et un stick simultanément, ce qui peut le rendre un peu difficile d'usage. En fin de compte, MercurySteam nous offre un quasi sans-faute en matière de gameplay.

« De part la mobilité accrue et affinée de Samus, Metroid Dread modernise le gameplay de ses aînés tout en offrant le même degré de finesse, ce que MercurySteam n'avait pas tout à fait réussi à proposer avec Samus Returns. »

Briser la routine

MiniatureExemplaire en matière de gameplay, y compris vis-à-vis d'autres jeux d'action/exploration récents, Metroid Dread paraît à l'inverse presque trop court par rapport à la concurrence. En effet, il faut compter entre 5 et 10 heures de jeu (selon votre rythme) pour atteindre une première fois le générique de fin. En poussant plus loin votre exploration pour collecter l'intégralité des power-ups disséminés dans ZDR, le compteur pourra dépasser les 12 heures et même un peu plus pour ceux qui aiment prendre leur temps. Certes, ce sont des chiffres plutôt bons quand comparés à ceux des autres Metroid 2D, quoique sensiblement inférieurs à ceux de Samus Returns, comme en atteste d'ailleurs la base de données communautaire HowLongToBeat (voir ici et ici). Mais cela paraît tout de même un peu léger si on compare avec d'autres références modernes du jeu d'action/exploration: finir une première fois Hollow Knight requiert une vingtaine d'heures de jeu, et même une petite quarantaine si on désire le terminer à 100%. Cependant, vous auriez bien tort de restreindre vos aventures sur ZDR à une seule partie. Oh, bien sûr, il y a des modes de difficulté supplémentaires: en plus de l'habituel mode difficile débloqué après avoir terminé une première partie en difficulté normale, les plus courageux pourront tenter l'aventure du mode Terreur (ajouté gratuitement le 9 février 2022) où le moindre dégât est synonyme de game over. Mais la vraie raison pour laquelle vous aurez tout intérêt à relancer Metroid Dread plus d'une fois, c'est son level design.

MiniatureComme mentionné plus tôt dans cet article, MercurySteam ne s'est visiblement pas restreint à Metroid Fusion pour ses sources d'inspiration: même si Adam vous mettra sur la voie d'un cheminement assez simple pour terminer le jeu, Metroid Dread offre en parallèle une grande liberté de mouvement au joueur, à la manière de Super Metroid. Il est facile (et souvent tentant) de s'écarter du chemin prévu pour collecter des power-ups un peu partout histoire d'être mieux armé face aux dangers qui rôdent sur ZDR. Cette tâche sera d'autant plus amusante pour les explorateurs en herbe qu'il est de temps en temps possible de tirer parti de l'excellente mobilité de Samus pour obtenir une extension de votre réserve de missiles (ou autre) plus tôt que prévu, à condition de faire preuve de dextérité. Les vieilles astuces de Metroid pourront aussi être utilisées à cette fin: les connaisseurs pourront à nouveau abuser du saut à rallonge en boule morphing (rendu possible par un timing très précis dans l'usage des bombes) pour s'octroyer quelques power-ups avant d'avoir acquis les capacités permettant de sauter plus haut. Mais l'ultime raffinement du level design de Metroid Dread, que je considère même à titre personnel comme un Saint-Graal pour le genre, c'est qu'il offre sciemment des opportunités de sequence breaking (rupture de séquence en bon français). Comprenez par là qu'il est tout à fait possible d'obtenir certaines capacités de la combinaison de Samus plus tôt que le cheminement proposé par Adam ne le prévoit. Une des premières opportunités de ce type vous permettra d'acquérir très rapidement le rayon grappin, qui vous offrira bien assez vite quelques raccourcis mais aussi la possibilité de débloquer deux autres améliorations en avance. Et il ne s'agit pas, ici, d'un heureux hasard: un peu plus tard, l'une des améliorations obtenues plus tôt que prévu pourra être utilisée pour déclencher une séquence spéciale lors d'un combat de boss qui survient peu après, cette séquence abrégeant nettement la durée du combat. Autrement dit, ce parcours alternatif permet de gagner du temps par rapport au cheminement suggéré par l'ordinateur de Samus.

MiniatureEt des alternatives de ce style, Metroid Dread en a quelques unes à vous offrir. Non seulement vous pourrez envisager d'autres parcours de ZDR si vous cherchez bien, mais vous pourrez en plus découvrir ici et là des jolies astuces pour abréger quelques séquences, tout particulièrement au niveau des combats de boss. Grande absente de Samus Returns, l'attaque comète (aussi connue chez les fans sous le nom de shinespark) fait un retour fracassant dans Dread. Pour rappel, cette technique consiste à utiliser une amélioration de la combinaison de Samus, à savoir l'accélérateur, pour emmagasiner de l'énergie cinétique et se propulser dans une direction choisie à grande vitesse et en ligne droite, certains éléments du décor pouvant être détruits au passage. Non seulement les accélérations sont plus faciles à conserver dans Dread (il est désormais possible de faire des sauts muraux pendant une accélération), mais l'attaque comète est en plus au coeur de nombreuses astuces, tantôt pour abréger un combat, tantôt pour trouver des parcours alternatifs. En combinant la technique comète avec une autre capacité de Samus, il sera même possible d'abréger un des derniers mini-bosses du jeu en effectuant seulement deux attaques. En somme, terminer une partie de Metroid Dread à 100% sera insuffisant pour pouvoir affirmer en avoir fait le tour, tant le jeu regorge de petites astuces pour gagner du temps et optimiser son parcours. La communauté du speedrun (une activité consistant à finir un jeu le plus rapidement possible) s'est d'ailleurs passionnée pour le jeu dès sa sortie. Et si les meilleurs temps exploitent quelques glitches pour gratter des minutes (un des tout premiers découverts permettant d'ignorer le premier E.M.M.I.), les temps obtenus à la loyale restent bien en deça des deux heures. Les enregistrements de parcours abondent sur YouTube, les speedrunners rivalisant en dextérité et en ingéniosité. Bien entendu, le speedrun reste une activité réservée aux mordus. Toujours est-il que la richesse du level design de Metroid Dread pourra largement justifier quelques parties supplémentaires après avoir terminé le jeu une première fois, sans même forcément changer le niveau de difficulté. Relancer une partie est d'autant plus motivant que l'on maîtrise le gameplay et mémorise le level design et ses astuces: explorer une première fois ZDR à 100% prend certes une petite dizaine d'heures, mais il est très facile de diviser ce temps de jeu par deux lors d'une seconde visite, et à force de perfectionner son parcours, on passe vite sous la barre des quatre heures de jeu et même moins par partie. Rejouer à Metroid Dread est donc peu chronophage, et s'il ne rivalise pas avec d'autres références actuelles du genre en ce qui concerne le temps que l'on consacrera à une même partie, il compense très largement ce défaut par son excellente rejouabilité.

MiniatureIl n'est pas excessif de parler de travail d'orfèvre pour décrire le gameplay et le level design de Metroid Dread. Il a beau s'être écoulé presque 20 ans depuis Fusion, ce cinquième épisode en 2D (hors remakes) parvient à la fois à paraître moderne et à restituer toute la complexité du jeu d'exploration, complexité que l'on retrouve au final assez rarement parmi les autres représentants du genre. Ce n'est pas pour autant que la dernière production en date de MercurySteam est exempte de tout reproche. Avec le recul de quelques parties, le concept des E.M.M.I. pourra assez rapidement perdre de sa saveur: authentiques enquiquineurs quand on découvre ZDR, les robots assassins qui justifient le sous-titre Dread ne tarderont à perdre leur côté imprévisible une fois qu'on sait où aller et dans quel ordre. Certes, il en va de la plupart des ennemis de jeux d'action, mais les E.M.M.I. pourraient peut-être se fondre encore mieux dans le décor pour demeurer des menaces au-delà du stade de la découverte du jeu. En l'état, il faudra se contenter d'une modernisation efficace du SA-X de Fusion. Toujours au registre des dangers de ZDR, MercurySteam propose dans l'ensemble des combats de boss efficaces (tout particulièrement le boss final), mais recourt un peu à la facilité pour meubler sur la durée: pas moins de trois types de mini-bosses sont affrontés jusqu'à cinq fois en tout. Si les affrontements en question restent courts, les variations entre chacun d'entre eux sont maigres, et on aurait sans doute apprécié un petit effort d'imagination sur ce point. Enfin, peu discuté jusqu'ici dans cette critique, l'emballage de Metroid Dread mérite quelques commentaires. À l'instar de Samus Returns, Dread justifie amplement son parti pris d'un rendu 3D pour un gameplay 2D: non seulement les arrières-plans sont encore plus léchés que sur 3DS, mais les animations et les ajustements occasionnels de la caméra donnent un côté très pêchu aux séquences d'action, en particulier lors des combats de boss, le tout sans jamais trahir le gameplay 2D. La cerise sur le gâteau est sans aucun doute le rafraichissement de 60 images à la seconde, idéal pour suivre l'action, quoiqu'il y ait encore des chutes occasionnelles quand les effets visuels se multiplient à l'écran (le cas classique, donc). Le résultat final est un jeu plutôt joli et dont la fluidité se marie parfaitement au gameplay nerveux et grisant de ce cinquième Metroid en 2D. Finalement, il n'y a guère que les musiques qui sont en retrait: tandis que Samus Returns avait trouvé un équilibre fort agréable entre les sonorités électroniques teintées d'ambient des Metroid Prime et les mélodies des épisodes 2D, Dread semble avoir un peu négligé les secondes. Comprenez par là que les musiques de cet épisode ne vont en aucun cas vous casser les oreilles en pleine partie, mais vont au contraire ne pas trop se faire remarquer, voire être carrément oubliables après coup. Il reste tout de même quelques bonnes pistes à l'occasion (avec ou sans le facteur nostalgie), mais sans plus.

Conclusion

Quand MercurySteam Entertainment a été tâché par Nintendo de ré-imaginer l'antique Metroid II: Return of Samus, cela a donné Samus Returns sur Nintendo 3DS: un remake efficace et réalisé consciencieusement, mais qui pâtissait sensiblement de la comparaison avec un remake amateur (Another Metroid 2 Remake) si on s'attardait sur la finesse du gameplay. On aurait pu alors penser, à l'époque, que les développeurs Madrilènes étaient d'excellents techniciens avant d'être des concepteurs de jeux. Mais ceux-ci ont visiblement fait du chemin depuis, car Metroid Dread est une belle réussite à tous les étages: non seulement son gameplay est sans faille, mais il propose aussi et surtout un level design d'une richesse peu commune pour le genre. Est-ce que MercurySteam s'est basé sur les retours des joueurs, sur les conseils de Nintendo ou a simplement capitalisé sur l'expérience acquise avec Samus Returns ? À moins que ce ne soit les trois en même temps ? Toujours est-il que leur dernière production en date va bien au-delà d'une réalisation soignée et vise clairement à offrir aux joueurs toutes les subtilités que l'on pourrait attendre d'un jeu d'action/exploration. Bien sûr, on peut encore chipoter sur des détails: on aurait par exemple pu s'attendre à mieux pour les E.M.M.I. ou les musiques, tandis que certains affrontements sont recyclés un peu trop souvent pour un jeu de cette envergure. Les plus exigeants regretteront peut-être aussi que Dread ne tente pas davantage de bouleverser les codes du metroidvania. En revanche, si le temps nécessaire pour finir une première partie à 100% pourra paraître un peu court (une douzaine d'heures, moins de la dizaine pour atteindre le générique de fin), Metroid Dread offre une excellente rejouabilité de part les nombreuses subtilités de son level design et pourra encourager les mordus du genre à relancer plusieurs parties après leur première visite de ZDR. On tient là tout simplement une nouvelle référence du jeu d'action/exploration, ainsi qu'un des meilleurs épisodes de la saga Metroid.

Points forts

  • Fluide et nerveux
  • Contrôles souples et techniques
  • Level design parfaitement maîtrisé
  • Du sequence breaking et des secrets pour les experts
  • Des arrières-plans léchés
  • Le concept des E.M.M.I.

Points faibles

  • Les E.M.M.I. auraient pu être mieux exploités
  • Des chutes de framerate à l'occasion
  • Le rayon grappin un peu difficile d'usage
  • Pas mal de redites du côté des combats de boss
  • Des musiques souvent oubliables

Critique rédigée après de multiples parties pour un total de 60 heures de jeu, dont deux parties en moins de 3 heures en difficulté normale et difficile (respectivement).

Metroid Dread

Critique rédigée par JefGrailet
Publié le 01/03/2022 à 13:26

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