Jamais trois sans quatre. Après avoir revisité (de bien belle manière) les trois premiers opus de la saga, Capcom revient à la charge en s’attaquant cette fois à un monstre sacré de la licence: Resident Evil 4. Un remake aussi ambitieux que réussi.
Sorti en 2005, Resident Evil 4 a mis du temps à devenir le phénomène qu’il est devenu. Exclusivité Gamecube, le jeu n’a pas tout de suite eu le succès qu’il méritait. Son arrivée sur PS2 quelque temps plus tard a marqué un tournant dans l’historique de la licence. Véritable petite révolution, avec sa 3D, sa caméra à l’épaule et son gameplay totalement refondu, le titre de Capcom a laissé une trace indélébile, posant les bases du jeu d’action moderne.
Le scénario de Resident Evil 4 fleure toujours bon la série B: la fille du président des États-Unis a disparu dans un village paumé du fin fond de l’Espagne, et c’est ce bon vieux Léon Kennedy qui est chargé de la récupérer. Arrivé sur place, on se rend vite compte que quelque chose ne tourne pas très rond dans ce petit village. Pas seulement parce qu’il est habité par environ 30 000 personnes (à la louche le nombre d’ennemis qu’on abat durant dans nos pérégrinations, chiffre non-contractuel), mais car l’ensemble de la population semble infecté par un étrange parasite dénommé Plaga.
À la différence des zombies, ces infectés semblent dotés d’une certaine forme d’intelligence. Celle qui leur permet de nous sauter dessus avec une tronçonneuse allumée à la main, ou de nous mettre un carreau d'arbalète entre les deux yeux, par exemple. Les personnages sont toujours des caricatures sur pattes, même si les modèles ont été retravaillés. En termes de mise en scène, ce remake fait un peu moins dans le grand-guignol et se veut plus crédible, ce qui plaira à certains, et peut-être moins aux fans de la première heure, qui peuvent avoir l’impression d’y perdre un peu de l’identité Resident Evil.
Près de vingt ans plus tard, il semble que les développeurs de ce remake aient voulu remettre l’aspect “horreur” en avant. Le jeu se veut globalement plus poisseux et sombre que l’original... parfois même un peu trop, et un passage dans le menu afin d’augmenter la luminosité peut s’avérer nécessaire selon les TVs. On pense notamment au village, beaucoup plus “crade” que dans l’original. Le niveau de détails des décors est assez impressionnant, ce qui renforce l’immersion, même si l’interaction avec eux reste quasi nulle.
Le RE Engine des remakes précédents est toujours de la partie, et toujours aussi efficace. Sur Playstation et Xbox Series, on a le choix entre les traditionnels modes performances et résolution. Le ray-tracing présent en mode résolution n’étant pas particulièrement convaincant, mieux vaut privilégier la fluidité en optant pour le mode performances. Même dans cette configuration, le jeu est très agréable pour la rétine. Sur PC, on peut profiter du ray-tracing ainsi que du 60 images par secondes, pour peu que l'on ait une configuration assez costaude, d'autant que le jeu bénéficie d'une bonne optimisation. À titre d'exemple, nous avons pu le faire tourner sur Steamdeck à 45 images/seconde sans souci, en faisant quelques concessions sur les graphismes. Évidemment, on y collant son nez, certaines textures font un peu d’époque, mais le rendu général est de très bonne facture. Et surtout, le moteur excelle dans sa gestion de la lumière et des effets de particules.
Qu’on ne s’y méprenne pas, Resident Evil 4 reste un épisode très différent des trois premiers, où l’action prend une place importante. Mais ce remake se permet de remodeler l’expérience de jeu en modifiant certaines zones (mention spéciale au château et à l’île) et en ajoutant quelques séquences inédites, qu’on ne spoilera pas ici. Ce remake gère encore mieux cette oscillation permanente entre les moments de “calme” (relatif) et les séquences plus dynamiques où des vagues d’infectés débarquent.
Ce Resident Evil est un jeu qui repose beaucoup sur la bonne gestion de ses ressources, plutôt qu'un jeu d'horreur pur. En clair, ce n’est pas tant la peur de voir un infecté surgir de derrière un placard, mais plutôt celle de ne pas savoir comment gérer la prochaine horde qui va nous tomber dessus, qui nous anime tout le long du jeu. Explorer et amasser des trésors, gérer ses munitions sont aussi importants que bien viser la tête des ennemis pour les faire tomber un par un ainsi que leur parasite. À mesure de notre progression, on ressent toujours cette montée en puissance, au point de devenir un Terminator. Mais là où l’épisode original partait à fond dans l’action passé un certain cap, ce remake sait mieux gérer son rythme, grâce à certains passages bien remodelés. On pense notamment au dernier quart, toujours sans spoiler. Les adeptes des énigmes emblématiques de la série en seront pour leur frais avec cet épisode. Le “défi” le plus corsé doit consister à tourner une clef dans le bon sens afin de ne pas faire rentrer un cube dans un cercle. On est là avant tout pour avoiner de l’infecté par paquets de dix.
Aussi mythique soit-il, le Resident Evil 4 original reste un jeu d’il y a vingt ans. Les développeurs ont donc mis le paquet pour mettre le titre aux standards d’un triple A de 2023. À commencer par la maniabilité: certes, Léon n’est toujours pas un ninja, mais il a gagné quelques capacités. On peut désormais tirer en marchant à l’aide de la gâchette gauche, à l’instar des TPS modernes. Il faut cependant toujours bien ajuster sa cible, car les munitions ont tendance à se faire rares, notamment en mode hardcore. Mais la plus grande nouveauté est sans doute le contre au couteau. En pressant L1 (LB sur Xbox) au bon moment, on peut parer les attaques au corps-à-corps d'un ennemi. Mieux, un timing parfait permet de le stun avant de le finir d’un coup de pied retourné ou d’un coup de couteau bien placé. Mine de rien, cette parade permet parfois de se sortir de situations désespérées, pour peu qu’on y pense. Petit bémol toutefois sur la nouvelle mécanique d'infiltration: au départ, le jeu nous promet la possibilité d'opter pour une approche discrète avec une attaque surprise dans le dos des ennemis. Malheureusement, à mesure que l'on progresse, on se rend compte que cette technique se trouve assez inutile vu le level design... hormis sur la fin du jeu.
Bien sûr, on retrouve toujours les caisses à détruire marquée d’une peinture jaune, les flux lumineux de différentes couleurs sur les corps des ennemis morts pour nous indiquer du loot ou les machines à écrire, qui font très “jeu vidéo”; mais cela reste parfaitement dans l’esprit du jeu original. Au final, l’expérience manette en main est très similaire à l’original, tout en étant modernisée juste ce qu’il faut pour se hisser aux standards actuels. La gestion de l’inventaire reste toujours essentielle: on passe toujours autant de temps à ranger sa mallette et à crafter des munitions en tout genre. Heureusement, pour les plus pressés ou les moins doués à Tetris, le rangement automatique se fait d'une simple pression sur le stick gauche.
Plus charismatique que Léon lui-même, le fameux marchand est encore de la partie, tombant toujours à point nommé pour nous vendre sa camelote. Les trésors amassés au cours de notre aventure peuvent être revendus, et même sertis de rubis ou autres pierres précieuses, ce qui augmente leur valeur à la revente. De quoi se faire un petit pactole pour améliorer ses armes et en acheter de nouvelles. Et l’arsenal est fourni : des pistolets aux fusils à pompe en passant par les mitraillettes ou les arbalètes, il y en a pour tous les goûts. Mention spéciale à la VF du marchand, très réussie et totalement dans l’esprit de la VA du jeu original. Celui-ci s’est désormais équipé d’un stand de tir, où l’on peut y relever des défis nous octroyant quelques bonus.
Pour allonger la durée de vie (comptez une quinzaine d’heure pour une première partie), de nombreux petits défis sont disséminés sur la carte. Nul doute que les plus complétistes ou chasseurs de trophées ne quitteront pas une zone sans avoir brisé ce foutu dernier médaillon. Pour les autres, il reste les rats à chasser, ou les vipères à revendre. On a vu plus original comme contenu annexe, mais cela a le mérite d’exister.
Après les belles réussites des remakes de Resident Evil et Resident Evil 3, et compte tenu de l’aura de ce quatrième épisode, c’est peu dire que la barre était haute pour Capcom. Dans les remakes, tout est question de dosage. Reprenant la substantifique moelle de l’épisode original, ce remake ajoute juste ce qu’il faut de nouveautés pour rendre l’expérience de jeu la plus agréable possible. Mieux encore, il parviendra à surprendre les fans de la première heure en proposant certains passages inédits. Évidemment, il faut accepter le tournant action pris par la licence, mais une fois le gameplay pris en main, l’ensemble se révèle véritablement jouissif. Ne cherchez plus: après un nombre incalculable de portages, la version ultime de Resident Evil 4 est arrivée.
Commenter