“Clic clic clic clic”. Vous le connaissez, ce doux son de la souris cliquant frénétiquement pour avoiner des hordes d’ennemis ? Tel est le quotidien du joueur de hack’n’slash. Dix ans après un troisième opus controversé, Diablo IV déboule en ce (presque) début d’été pour nous rassasier en massacrant du démon par paquets de 10.
On ne va pas se le cacher: si les sorties de jeu Blizzard n’ont plus le même écho qu’il y a 15 ans, l’arrivée de Diablo IV reste un petit événement. D’abord, parce qu’il a la lourde tâche de réconcilier une frange des joueurs avec la série. Ensuite, car il lorgne sur le MMORPG et le monde ouvert, ce qui bouscule quelque peu les codes de la série.
Bienvenue à Sanctuaire. Un monde chaleureux et accueillant, créé par un ange et un démon. Un monde où les démons se mêlent aux squelettes et autres araignées géantes pour nous pourchasser en guise de bienvenue. Et comme si cela ne suffisait pas, un excité a cru bon d’invoquer Lilith, une démone aussi fourbe que cruelle. En bref, la bonne ambiance. Bien évidemment, c’est à nous que revient la lourde tâche de retrouver Lilith et de l’empêcher de nuire davantage à un royaume qui semble déjà bien mal en point. La direction artistique de ce quatrième opus tranche clairement avec l’aspect plus coloré et presque cartoon de Diablo III: Blizzard a semble-t-il entendu les critiques des vieux de la vieille, ceux qui veulent du sang, des larmes et du désespoir. Tout dans ce monde de Sanctuaire suinte la poisse et l’angoisse. Un véritable retour aux sources pour la licence. D’autant que l’ensemble bénéficie d’une optimisation au poil. Comme à son habitude, Blizzard a pensé aux configurations relativement modestes. Notre passage sur la version PS5 nous a confortés dans l’idée que la souris, c’est quand même mieux, mais cette version tourne parfaitement. Le jeu étant entièrement crossplay et cross progression, on peut poursuivre son aventure affalé dans son canapé après une dure journée. Et ça, c’est bien.
Mais avant de se lancer sur les routes, il faut créer un avatar. Diablo IV s’est mis au goût du jour et propose désormais de personnaliser son personnage, avec des visages, coiffures et autres traits bien particuliers. L’éditeur reste cependant assez limité. Mais dans la mesure où notre personnage passe son temps habillé de la tête aux pieds par la montagne de loot amassée en chemin, ce n’est pas un gros souci.
Cinq classes sont disponibles: barbare, sorcier, nécromancien, voleur et druide. Inutile de chercher la classe la plus “opti” pour leveler: chaque archétype fonctionne parfaitement pour massacrer du démon à la chaîne, même en solo. On peut simplement regretter la disparition de certaines classes comme le chasseur de démon de Diablo III (même si le voleur s’en rapproche fortement), mais nul doute que Blizzard nous servira des classes supplémentaires dans de futurs DLCs.
Les builds de personnage sont plus étoffés que ceux de Diablo III (particulièrement dirigistes), sans êtres totalement libres. On peut par exemple choisir de spécialiser son sorcier en feu, glace ou foudre. De même, le voleur peut être joué à distance si on l’équipe d’un arc ou au corps-à-corps avec une épée. Le gameplay s’en trouve donc suffisamment varié pour nous donner envie de tenter des synergies différentes à base de rerolls. Surtout, cette relative simplicité permet même aux débutants dans le genre de construire des personnages viables et amusants. L’accessibilité est donc de mise, contrairement à un Path of Exile, qui mise sur une plus grande profondeur, mais aussi une plus grande complexité.
Une fois notre personnage créé, il s'agit d'abord de venir à bout de la campagne, qui se divise cette fois en huit actes. Le fil rouge consiste à traquer Lilith et ses fanatiques afin de sauver le royaume. Si les premières heures peuvent paraître un peu plan-plan, le scénario monte en puissance au fil des actes. Surtout, Blizzard a su rendre le personnage de Lilith véritablement intéressant. À mesure que l’on avance dans l’histoire, on se rend compte de toute la psychologie de l’antagoniste principal, qui gagne en épaisseur. Les personnages secondaires ne sont pas en reste, ce qui crée un attachement encore jamais vu dans l’histoire de la série.
Les développeurs ont voulu casser les codes de la série en proposant au joueur de réaliser les quêtes principales dans l’ordre qu’il souhaite. Par exemple, en démarrant notre aventure, on peut choisir de partir sur les traces de Lilith en allant vers le sud ou le nord de la grande ville de départ, Kyovashad. Diablo IV est désormais un véritable monde ouvert. Cela évite la redondance qui peut s’installer lorsqu'on reroll (recommence) un personnage: on peut choisir de partir vers les steppes du Nord lors d'une première partie avec la classe barbare, puis commencer dans les mines du sud après reroll. Le revers de la médaille existe tout de même. Là où les précédents opus distinguaient bien les différentes ambiances avec des cinématiques étoffées à la fin de chaque acte, Diablo IV joue la carte de la continuité. Il faut attendre l’acte 3 pour avoir droit au premier véritable changement de ton. L’ensemble paraît plus décousu, la faute à la grande liberté de mouvement offerte au joueur.
Ce monde ouvert s'accompagne d’une dimension multijoueur encore jamais vue dans la série. Pour faire simple, Diablo est devenu un MMORPG, ou presque. Désormais, en parcourant le monde ouvert, il n’est plus question de se la jouer solitaire façon Berserk. On croise une multitude d’avatars incarnés par d’autres joueurs bien humains. L’intérêt ? Avoiner du monstre à plusieurs, car c’est bien connu, plus on est de fous, plus on rit. Cela se matérialise en jeu par des événements aléatoires, qui incitent les joueurs présents à un endroit à se regrouper pour faire tomber un boss (qui peuvent nécessiter plus d’une dizaine de joueurs pour en venir à bout) ou accomplir un objectif. Plus besoin de grouper, tout se fait de manière fluide et sans besoin d'interaction préalable entre les joueurs. De quoi rassurer les vieux de la vieille, qui peuvent être effrayés à l’idée de se balader dans un monde rempli de barbares courant autour d'eux. Bien entendu, il est toujours possible de jouer à l’ancienne, en invitant un ami à venir piller le donjon d’en face. Le système de clans est d’ailleurs bien pratique pour aller et venir dans la partie de quelqu’un en toute fluidité.
Pour nous occuper dans ce vaste monde désolé, des quêtes secondaires ponctuent la campagne. Et celles-ci sont nombreuses, très nombreuses. La plupart du temps, il s’agit de récolter des objets, ou de tuer un certain nombre d’ennemis. Rien de très original, mais ce n’est pas un problème, car Diablo IV reste un hack’n’slash, où les quêtes sont un prétexte à faire grimper son niveau en massacrant des démons. D’autant plus que certaines de ces quêtes étoffent un peu le lore du jeu, en nous apprenant deux ou trois trucs sur la population locale et leurs déboires. On a vite fait de se laisser aller à flâner à droite à gauche en accomplissant des petites quêtes et quelques donjons, avant de se rendre compte qu’il est déjà 3 heures du matin et qu’il serait temps de se recentrer sur la quête principale (ou d’aller au lit, pour les plus sérieux).
Le terrain de jeu de Diablo IV est vaste. Beaucoup plus vaste que tout ce à quoi la série nous avait habitués jusqu’ici. Et il est aussi varié. La campagne nous fait voyager aux quatre coins du monde de Sanctuaire, offrant des biomes assez variés, même si lors des premières heures de jeu, les environnements ont tendance à se ressembler. Marécages, steppes enneigées, déserts, tout y passe. Les sous-zones sont toutes assez travaillées pour avoir une identité bien marquée. Les accros au endgame regretteront cependant des temps de déplacement un peu trop longs entre chaque point de farm, même si l’arrivée du cheval à un certain point de la campagne rend la progression plus rapide. On ne peut pas tout avoir.
Mais dans Diablo IV, on passe presque autant de temps dans les donjons qu’en extérieur. Et il faut bien le dire, ceux des quêtes secondaires (qui vont des petites caves à nettoyer avec un élite et quelques mobs à des grottes bien plus vastes) ne sont pas super inspirés question level design. Cela tranche avec les donjons dédiés à la quête principale, qui sont bien plus travaillés et moins génériques. Blizzard a mis le paquet pour nous livrer une campagne intéressante et travaillée. Cela se ressent également dans la mise en scène, avec des cinématiques qui renforcent l’immersion, et un doublage au poil. Contrairement aux opus précédents, faire la campagne et suivre le scénario ne sont plus de simple prétextes à la course au loot, mais une fin en soi. À titre d’exemple, il n’est pas rare de cliquer sur une question annexe lors d’un dialogue avec un PNJ, afin d’en apprendre davantage sur le monde, là où dans Diablo III, on avait tendance à carrément passer les dialogues pour avancer plus vite.
La fin de la campagne, qui intervient aux alentours du niveau 50, marque le début du endgame. Exit les points de compétence, on retrouve les points de Parangon déjà présents dans Diablo III. Cela débloque également un nouvel arbre de compétences. Si les saisons n’arriveront que dans le courant de l’été, les activités déjà disponibles sont assez variées pour tenir en haleine le joueur régulier, avec toujours en point de mire cette course au loot. Par exemple, on peut débloquer des versions plus difficiles des donjons déjà parcourus afin d’obtenir de meilleures récompenses. Quatre niveaux de difficulté sont disponibles, qui se débloquent à mesure de la progression. La campagne nous permet de profiter des deux premiers “niveaux de monde”, puis le troisième et quatrième se débloquent au niveau 50 et 70. On conseille tout de même de débuter en niveau 1, car les élites et les packs de mobs des donjons peuvent faire très mal en niveau 2, surtout en solo. Évidemment, pour des objets surpuissants, il faut viser les plus hauts niveaux. Les équipements uniques sont de retour, et se débloquent uniquement dans les plus hautes difficultés. Mais on ne va pas se mentir, en l’état, les accrocs au contenu endgame risquent de décrocher assez vite. Il va falloir attendre l’arrivée du contenu saisonnier pour avoir une idée plus précise du potentiel du jeu sur le long terme, même si monter toutes les classes et tester les différents builds occupe déjà plusieurs dizaines d’heures. D’ailleurs, nul besoin de refaire la campagne avec chaque nouveau personnage une fois celle-ci finie une première fois.
Blizzard était attendu au tournant. À plus d’un titre. Entre un Diablo III en demi-teinte, une actualité sociale pas des plus heureuses, et un Overwatch 2 qui rame pour s’imposer, le retour de la licence reine était l’opportunité rêvée de se relancer. Et elle est magnifiquement saisie. Beau, addictif et disposant d’une campagne intéressante, Diablo IV nous offre tout ce qu’on était venu chercher. Un bémol toutefois sur le endgame, pour l’instant un peu chiche. L’intérêt du jeu sur le long terme dépendra beaucoup du contenu saisonnier et de la capacité du monde ouvert à se renouveler dans les activités qu’il propose. Quoi qu’il en soit, Diablo IV est un hack’n’slash diablement efficace qui sait nous occuper pendant des dizaines d’heures, pour peu qu’on accroche au concept, répétitif (mais jouissif) par essence. Avec ce quatrième opus, Blizzard a donc bien retrouvé la recette.
Dernière modification le 22/02/2024 à 00:00.
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