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Monster Hunter World

Opération séduction

Jusqu'il y a peu, en dehors du Japon, Monster Hunter était encore conseillé à un public de joueurs avertis. Bien que les fans de la série ne manqueront jamais l'occasion de vous rappeler combien de centaines d'heures ils ont consacré à chaque épisode, le long apprentissage requis pour commencer à vraiment apprécier un Monster Hunter a longtemps été un repoussoir pour bien des joueurs. Les efforts de Nintendo pour promouvoir les épisodes sortis sur ses supports ont toutefois permis à Monster Hunter 4 Ultimate (3DS) de franchir la barre symbolique du million en occident en 2015, mais sans plus. On pourrait bien sûr creuser davantage la question et tenter d'expliquer en détails pourquoi la série a si peu marché chez nous alors qu'elle a cartonné au Japon, mais ce n'est pas le sujet du jour. Car avec Monster Hunter World, Capcom a accompli un petit miracle commercial: avec plus de 8 millions de jeux écoulés depuis sa sortie en janvier sur PS4 et Xbox One, World s'est non seulement plus vendu en occident qu'au Japon (une première pour la série), mais est devenu par la même occasion le jeu le plus rapidement vendu dans l'histoire de Capcom. Comment expliquer un tel succès ? Les mauvaises langues vous répondront prestement que Capcom a casualisé sa licence. Mais ce serait une réponse superficielle et surtout fausse: comme l'avaient déjà montré les phases de bêta de décembre 2017 et janvier 2018, le gameplay de Monster Hunter World est bel et bien dans la continuité de ses prédécesseurs. En revanche, il est indéniable que les développeurs de Capcom ont cherché à ménager les nouveaux chasseurs dans cet épisode (allant jusqu'à laisser tomber le titre Monster Hunter 5) en les accompagnant dans leur apprentissage et en adoucissant encore un peu plus la courbe de difficulté. Mais jusqu'à quel point ? Voyons cela en détails...

La chasse pour les nuls

Plus scénarisé qu'à l'accoutumée, Monster Hunter World vous place dans les bottes d'un chasseur de la cinquième flotte d'une commission chargée d'explorer et d'étudier le Nouveau Monde, un continent très peu exploré en raison des événements météorologiques extrêmes qui se produisent en mer à proximité. Votre mission: élucider la Traversée des Anciens, un phénomène ayant lieu tous les 10 ans et au cours duquel les dragons anciens (une catégorie de monstres très puissants) migrent vers le Nouveau Monde pour une raison inconnue. Après avoir créé votre avatar via un éditeur de personnages au moins aussi complet que celui d'un Dragon's Dogma (et donc à des années-lumières des éditeurs simplistes des précédents épisodes), vous ne tarderez pas à faire les présentations avec les différents personnages secondaires et la base d'Astera à travers moults cinématiques. Car oui, Monster Hunter World a son lot de cinématiques et de dialogues presque entièrement doublés, servant à la fois à poser les bases de l'univers du jeu, à introduire les différents monstres ainsi qu'à développer toute une histoire. Et autant le dire tout de suite: cette histoire n'est pas une franche réussite. World essaye tant bien que mal de rendre les différents protagonistes attachants et d'insérer des péripéties (parfois très artificielles) ici et là, au point où le scénario en devient un peu envahissant. C'est du moins le cas lors de la première partie de la quête, au cours de laquelle le joueur se lancera à la poursuite du Zorah Magdaros, un véritable volcan sur pattes qui réalise la Traversée. Cependant, cette première partie du jeu est aussi et surtout une manière d'accompagner le nouveau joueur dans son apprentissage du gameplay.

MiniatureAvant toute chose, il convient de rappeler en quoi consiste Monster Hunter: équipé d'une arme de circonstance (parmi les 14 types possibles, incluant la grande épée, le marteau, la lance, le lancecanon, la fusarbalète, etc.) et d'une solide armure, le joueur est tâché de traquer un ou plusieurs monstres de bonne taille (il n'est pas rare qu'ils dépassent les 20 mètres) et de les affronter, quitte à se prendre de vilains coups de patte, des boules de feu ou des charges mortelles. Si le joueur parvient à tuer ou à capturer le monstre dans le temps imparti, il pourra récolter des composants lui permettant de créer de nouvelles armes et armures pour affronter des créatures toujours plus puissantes. Dit comme ça, la formule de Monster Hunter paraît simple, mais ce serait oublier la quantité de détails pris en compte par le gameplay: la localisation des dégâts et ses effets (par exemple, frapper à répétition dans les pattes d'un monstre provoquera sa chute), la résistance et l'accoutumance d'un monstre aux afflictions (paralysie, poison, etc.), l'utilisation de pièges, la vigueur du monstre, les talents d'armure (des bonus d'attaque/défense qui changent d'une armure à l'autre), etc. Toute une quantité de détails qu'il faudra bien connaître et maîtriser pour garantir le succès d'une quête en un minimum de temps. Et c'est justement ces détails que les épisodes précédents ne prenaient pas le temps d'expliquer, condamnant le joueur à expérimenter par lui-même ou à se renseigner ailleurs. En effet, jusqu'ici, Monster Hunter ne donnait que des indices de sa complexité: animations uniques des monstres suite à une frappe bien placée, gerbes de sang dont l'intensité traduit l'efficacité de l'attaque, résistances élémentaires des armures correspondant aux affinités élémentaires des monstres associés... autant d'indices qui peuvent être difficiles à interpréter au début, voire déroutants: combien de nouveaux joueurs n'ont pas été désorientés par la simple absence d'une barre de vie du monstre chassé ? Un détail que les chasseurs aguerris défendront sans doute, et sur lequel Capcom n'est d'ailleurs pas revenu avec ce nouvel épisode.

MiniaturePour faciliter l'apprentissage du joueur, les équipes de Capcom ont donc distillé une bonne quantité d'aides au cours des premières heures de jeu. En plus du guide de survie (des tutoriels écrits agrémentés d'illustrations) dont les différentes sections apparaissent au fur et à mesure, World propose quelques missions assistées et recourt régulièrement à des messages d'aide (sous forme de pop-ups en cours de partie) pour signaler une opportunité d'attaque ou encourager le joueur à utiliser un objet précis. Si la plupart de ces aides n'apprendront pas grand-chose au chasseur émérite, elles seront plus que les bienvenues pour les nouveaux chasseurs, qui pourront ainsi apprendre pas à pas toutes les mécaniques et subtilités de la chasse. Toutefois, Monster Hunter World concède quelques facilités, quitte à briser de vieux codes. Par exemple, les gerbes de sang d'antan laissent place à des dégâts chiffrés avec précision pour mieux jauger l'efficacité des attaques. World introduit aussi les navicioles, des insectes représentés à l'écran par des traînées de lumière qui permettent de traquer facilement les monstres à condition d'analyser leurs écofacts, c.-à-d. les traces qu'ils laissent dans la nature (empreintes, morceaux d'écaille, poils, etc.). Par ailleurs, une fois découvert, un monstre est signalé en permanence sur la mini-carte, ce qui dispense le joueur de devoir utiliser des marqueurs, des projectiles que les chasseurs pouvaient utiliser dans les épisodes précédents pour garder la trace d'un monstre sur la carte. En collectionnant un maximum d'écofacts pour un monstre, on pourra aussi compléter progressivement une encyclopédie qui consigne l'anatomie des monstres (points faibles, parties cassables), leurs affinités élémentaires, leur résistance aux afflictions ainsi que les composants qu'ils laissent derrière eux. Une fois encore, les détails de ce type n'étaient pas clairement donnés dans les épisodes d'antan et il fallait s'en remettre à l'expérimentation, à des indices discrets et aux wikis. Les plus pointus regretteront néanmoins que cette encyclopédie reste floue en ce qui concerne la rareté des composants, étant donné que l'estimation (sur une échelle de 4) ne donne qu'une vague approximation du drop rate d'un objet pour un seul tirage. La configuration des récompenses de certaines quêtes peut donc rendre ces estimations trompeuses. Quoi qu'il en soit, cet effort pour rendre accessible ce qui était autrefois obscur ne peut que profiter à tous.

MiniatureA vrai dire, beaucoup de changements en termes d'ergonomie ne profiteront pas qu'aux nouveaux. Les menus regorgent de facilités, en particulier au niveau du crafting: non seulement on peut obtenir un aperçu de chaque armure complète et des talents qu'elles offrent (avant, on ne pouvait voir qu'une pièce d'armure à la fois), mais on peut aussi consulter un arbre détaillé des armes et de leurs améliorations - une fois encore, c'est le genre d'information qu'on ne pouvait trouver autrefois que dans un wiki spécialisé sur le sujet. Les contrôles profitent également de quelques ajustements plein de bon sens, comme le rengainage automatique de l'arme lorsque le chasseur reprend le pas de course, des raccourcis personnalisables pour l'inventaire (assignés à la croix directionnelle) ainsi qu'une fronde pour lancer les projectiles. En effet, Monster Hunter World profite des gâchettes des manettes de salon pour offrir un vrai contrôle des items de jet tels les couteaux de lancer et les capsules aveuglantes, là où les opus antérieurs imposaient une trajectoire définie à l'avance et toujours horizontale. La possibilité de pouvoir continuer à se déplacer (mais plus lentement) lorsqu'on boit une potion est également un plus, la contrepartie étant que l'effet de la potion n'est plus instantané mais progressif. Le HUD n'est pas en reste: outre une mini-carte très détaillée (pièges naturels et points de collecte étant signalés par des icônes), l'icône du tranchant de l'arme indique au travers d'une jauge combien de tranchant du niveau actuel il reste avant de descendre d'un niveau. Enfin, difficile de ne pas saluer la refonte du système de talents: plutôt que de devoir additionner des points jusqu'à franchir une valeur seuil pour activer un talent, les talents de World fonctionnent par niveaux (un point de talent valant un niveau). Par exemple, le niveau 1 de Sismologie diminuera l'effet des petites secousses, tandis que le niveau 3 (son niveau maximum) annule les effets de toutes les secousses. Auparavant, le talent équivalent donnait l'immunité totale en cas d'activation, mais ne donnait aucun bénéfice si on accumulait quelques points sans franchir la valeur seuil. Un changement bienvenu qui rend le système de talents à la fois plus lisible et plus flexible: puisqu'on peut atteindre le niveau juste suffisant pour obtenir un effet voulu, on peut plus facilement mixer les pièces d'armure pour trouver la combinaison idéale. Seul petit problème: certains talents sont maintenant liés aux panoplies plutôt qu'aux pièces individuelles et ne s'activeront que si vous portez un certain nombre de pièces de la même panoplie, ce qui limite les possibilités de mélange. Fort heureusement, ces talents ne sont pas les plus essentiels du jeu.

« Qu'il s'agisse de l'explication des différentes mécaniques de jeu, de la commodité des menus ou de l'ergonomie des contrôles, Monster Hunter World est sans conteste un grand pas en avant pour la série. »

"On m'a vendu un Rajang, j'ai fini avec un Cephadrome"

Pas besoin de tourner autour du pot plus longtemps: qu'il s'agisse de l'explication des différentes mécaniques de jeu, de la commodité des menus ou de l'ergonomie des contrôles, Monster Hunter World est sans conteste un grand pas en avant pour la série. Bien sûr, World ne s'arrête pas à une "simple" vulgarisation d'un jeu complexe, puisqu'il propose aussi son lot de nouveautés en termes de monstres, d'armes mais aussi d'environnement. Si les épisodes de 4ème génération (c.-à-d., à partir de Monster Hunter 4) mettaient l'accent sur des terrains accidentés et introduisaient les attaques sautées et le rodéo de monstre, World met quant à lui l'accent sur l'écosystème et les interactions avec celui-ci. Les nombreux composants à collecter dans la nature (comme les habituels amerinsectes, herbes, champignons bleus, champextincteurs, etc.) sont ici entièrement modélisés, ce qui améliore un peu plus la lisibilité du jeu et le dispense de devoir mettre systématiquement des points de collecte où le loot est aléatoire. Ceux-ci existent toujours, mais se limitent essentiellement aux minerais, aux ossements de monstres, ainsi qu'à quelques espèces spécifiques de plantes. Les différents environnements du jeu sont également émaillés de plusieurs pièges naturels à retourner contre les monstres. Par exemple, les flashinsectes, bien connus des chasseurs émérites, se baladent à présent sous forme d'orbes lumineux qui provoqueront un flash lumineux quand frappés. Certaines portions destructibles de l'environnement (comme des vieux arbres, des piliers ou des stalactites à faire tomber) peuvent aussi être utilisés contre les monstres, tantôt pour leur infliger des dégâts supplémentaires, tantôt pour les immobiliser brièvement. Les monstres eux-mêmes ne sont pas en reste, puisque deux grands monstres dans une même zone auront tendance à s'attaquer entre eux, déclenchant parfois des animations uniques où les deux créatures luttent de façon spectaculaire, infligeant de lourds dégâts à la perdante - voire aux deux.

MiniatureSi mettre l'accent sur l'écosystème est le bienvenu, son utilisation contre les monstres constitue un premier écueil pour l'équilibre de la difficulté. En effet, les chasseurs n'auront jamais été aussi bien armés que dans World. Non seulement ils peuvent utiliser l'environnement pour blesser ou paralyser temporairement les monstres (voire les deux), mais ils ont droit aussi à des armes souvent plus puissantes et versatiles que par le passé: presque toutes les armes gagnent des nouvelles attaques, souvent bien pétées en termes de dégâts. Pire encore: les camps de base autorisent dorénavant le joueur à changer d'arme en cours de quête ainsi qu'à refaire le plein d'items en visitant son coffre, ce qui annule une partie de l'intérêt des quêtes consistant à chasser plusieurs monstres: dans ces conditions, pourquoi s'embêter à choisir l'arme la plus adaptée pour l'ensemble des cibles et prévoir les bonnes quantités d'objets avant la quête ? Enfin, les chasseurs peuvent maintenant recourir à des outils de survie, de nouveaux équipements à activer en cours de quête pour obtenir des bonus temporaires (maximum deux outils équipés en même temps, mais ils peuvent se recharger). Entre autres, le joueur peut utiliser des capes spéciales pour obtenir une résistance accrue à un élément précis, mais aussi des effets généreux comme une fenêtre d'invincibilité accrue en cas de roulade (pouvant même conférer un bonus d'attaque en cas d'esquive parfaite) ou une résistance totale aux chutes, aux secousses et aux cris des monstres couplée à un une diminution des dégâts perçus. Bien évidemment, ces capes ne sont pas toutes accessibles dès le début et certaines ne pourront être débloquées qu'après avoir fini la quête principale, mais le problème demeure. Et c'est d'autant plus un problème que les monstres n'ont pas véritablement de contrepartie. Comprenez par là que vous verrez rarement un monstre utiliser son environnement contre le joueur, par exemple. De plus, parmi les créatures disponibles dès la sortie du jeu, vous ne verrez aucune d'entre elles coopérer, ce qui contredit parfois les relations censées exister entre certains monstres. Entre autres, si un Rathalos et une Rathian se trouvent dans la même zone (pour rappel, ils sont respectivement mâle et femelle de la même espèce et sont donc censés former un couple), ils ne tenteront pas de coopérer contre le(s) chasseur(s) et pourront même s'attaquer entre eux.

MiniatureSur le papier, la balance penche déjà fortement en la faveur des chasseurs, et le calibrage des monstres n'arrange malheureusement pas l'affaire. Balayons tout de suite une question fondamentale: oui, les monstres sont toujours capables de vous donner une bonne correction et d'envoyer valser les chasseurs mal préparés, les dégâts de leurs différentes attaques étant toujours conséquents en fin de jeu. C'est d'autant plus le cas avec les monstres alpha, des monstres à débloquer exclusivement en fin de jeu qui infligent des dégâts plus importants que les spécimens habituels. Malheureusement, les monstres sont aussi plus faciles que d'habitude à étourdir ou à blesser: en effet, les quantités de dégâts à infliger pour déclencher certaines animations, briser des parties ou encore infliger une affliction sont souvent basses. Un chasseur bien préparé pourra même renverser en quasi continu certains monstres de fin de jeu, sans même recourir à des talents bien connus des amateurs de contre-la-montre comme Héroïsme (pour info, ce talent augmente considérablement l'attaque si la vie du chasseur est en dessous d'un seuil). Enfin, le total des points de vie de chaque monstre est également assez bas en solo: alors que la chasse d'un dragon ancien s'étalait parfois sur plusieurs quêtes dans de vieux épisodes (notamment Freedom Unite), quelques minutes seulement peuvent suffire à en terrasser un dans World sans faire preuve d'un skill surhumain. En multijoueurs, les monstres seront néanmoins plus tenaces pour s'adapter au nombre de joueurs, sans pour autant changer drastiquement la donne. Certes, les affrontements à rallonge sont rarement amusants, mais le manque de résistance des monstres dans World a tendance à les rendre beaucoup moins impressionnants et intimidants qu'ils ne devraient l'être. Un peu comme si le jeu retenait ses coups, de peur de frustrer le joueur.

MiniatureMal équilibré en termes de difficulté, World prend aussi peu de risques au niveau du bestiaire. Certes, compte tenu du fait que le développement soit parti de (presque) zéro sur des machines drastiquement plus puissantes que la 3DS, proposer environ 30 créatures dès le départ est une petite réussite (à titre de comparaison, Monster Hunter 3 n'en proposait qu'une petite vingtaine). Seulement voilà, ce bestiaire est aussi très classique, en plus d'avoir quelques déséquilibres comme une surreprésentation des monstres utilisant le feu. Même chez les nouveaux monstres, les habitués reconnaîtront sans mal des concepts voire des bouts d'animation provenant de monstres déjà bien connus des vétérans. Par exemple, le Tobi-Kadachi (sorte de lézard-panthère dont la fourrure stocke de l'électricité) reprend des idées et des animations au Kecha Wacha et au Zinogre (respectivement introduits dans Monster Hunter 4 et Monster Hunter Portable 3rd), tandis que le Rathalos et sa partenaire la Rathian se comportent presque de la même manière que dans les derniers épisodes 3DS, alors qu'ils avaient eu droit à une véritable refonte à l'occasion de Monster Hunter 3. On peut également faire un constat similaire pour le Kushala Daora et le Teostra, deux dragons anciens qui s'avèrent finalement proches de ce qu'on a pu voir dans Monster Hunter 4 (avec ou sans Ultimate à la fin). Enfin, si le Zorah Magdaros aperçu au début du jeu est indéniablement une créature titanesque, les missions où on l'affronte ressemblent beaucoup aux joutes avec les Mohran (les gigantesques dragons des sables des épisodes 3DS), mais en moins bien: le monstre comme le(s) chasseur(s) ne s'attaqueront presque pas de façon directe, les missions en question mettant l'accent sur les engins de siège, bien que ceux-ci sont autrement plus simples d'usage que par le passé. Bien sûr, World comporte aussi de très bons monstres (le Nergigante, illustré en tête de cet article, est un bon exemple) et il n'y a en soi aucun raté, mais Capcom a plutôt joué la carte de la sécurité pour le bestiaire disponible à la sortie du jeu.

« Si Capcom poursuit sa lancée en matière de DLCs, alors World pourrait réitérer une des réussites de MH4U: une courbe de difficulté très équilibrée, allant du très accessible au carrément difficile. »

Des DLCs gratuits... et draconiens

MiniatureCar justement, à l'heure qu'il est, une critique de Monster Hunter World serait injuste si elle ne prenait pas en compte ses DLCs (ou plus exactement, ses mises à jour). Ne partez pas tout de suite: ces DLCs diffusés mensuellement depuis mars 2018 sont à la fois gratuits et répondent lentement mais sûrement à plusieurs des critiques formulées plus haut, en plus d'apporter de légères corrections. La version 2.0, arrivée en mars dernier, a notamment introduit le fameux Deviljho, sorte de mini-Godzilla réputé auprès des vétérans pour foutre en l'air les quêtes multijoueurs de Monster Hunter 3 (et pas que). Gagnant au passage quelques animations plutôt réussies, le Deviljho de World a aussi la fâcheuse tendance à attraper d'autres wyvernes avec sa mâchoire pour s'en servir comme d'une arme improvisée. Une coopération entre monstres non consentie, certes, mais une coopération quand même. Et si le Deviljho normal demeure un peu plus simple que ses itérations précédentes, une quête événement sporadique pour chasser un Deviljho alpha bien plus costaud que l'habituel viendra secouer ceux qui se reposeraient sur leurs lauriers. Les autres DLCs ne sont pas en reste: qu'il s'agisse de la gigantesque Kulve Taroth (sorte de boss à plusieurs phases inédit et à la difficulté adaptative, idéale pour se lancer des défis) ou de la Lunastra (la femelle du Teostra), les joueurs en quête de challenge ont eu de bonnes raisons pour relancer le jeu dernièrement. Certaines âmes chagrines pourront supposer que ces nouveaux contenus auraient dû faire partie du jeu à sa sortie mais n'ont pas pu l'être par manque de temps, mais il y a des signes qui ne trompent pas: quand on constate la résistance et l'agressivité de la Lunastra, qui parvient même à rester en vol après un flash lumineux (le Teostra s'écrasant lamentablement par terre dans les mêmes conditions), on a du mal à croire que c'était le plan de base compte tenu de l'équilibrage initial de la difficulté. Cerise sur le gâteau: avec la mise à jour 4.0, Capcom a introduit les monstres alpha suprêmes, de nouvelles variantes de monstres plus résistantes et puissantes dont les limites de dégât pour blesser ou étourdir ont été nettement revues à la hausse. Quel dommage de ne pas pouvoir télécharger les quêtes événement comme sur 3DS/PSP pour y rejouer quand on le souhaite ! Quoi qu'il en soit, si Capcom poursuit sa lancée en matière de DLCs et approfondit le tout avec d'éventuelles extensions, alors World pourrait à terme réitérer une des réussites de Monster Hunter 4 Ultimate: une courbe de difficulté très équilibrée, allant du très accessible au carrément difficile.

Ceci étant dit, il faudra déjà jouer un petit bout de temps avant d'avoir accès aux monstres des DLCs. Comptez entre 30 et 50 heures de jeu (en fonction de votre niveau et de votre rythme) pour finir le scénario de Monster Hunter World, qui recouvre aussi bien les quêtes de bas rang que les quêtes de niveau expert. Une durée de vie assez standard pour un jeu d'action moderne, mais qui pourra se prolonger des heures durant si vous êtes un mordu de la chasse: entre les quêtes événement, les 14 types d'arme à découvrir, un système de quêtes aléatoires (pour affronter des monstres alpha et des duos/trios de monstres de tout poil) et la poursuite du meilleur mix d'armure possible pour les plus perfectionnistes, World n'a rien perdu de la re-jouabilité de ses ancêtres. Enfin, si je n'ai pas pris la peine d'aborder le bilan technique du jeu jusqu'ici, c'est tout simplement parce qu'il n'y a aucun écueil technique majeur dans le produit final. Il affiche même un taux d'images/seconde sensiblement supérieur à la bêta, ce qui est particulièrement appréciable sur PlayStation 4 Pro avec l'option fluidité. Bien sûr, on peut s'attendre à ce que la version PC prévue pour cet automne affiche un bilan technique meilleur (avec un rafraîchissement de 60 images/seconde, par exemple), et les joueurs sur PlayStation 4 et Xbox One de base devront s'en tenir à 30 images/seconde. Quoi qu'il en soit, Monster Hunter World offre des monstres toujours aussi bien animés et des décors riches en détails (et sans chargement entre zones !). Autrement, il n'y a qu'un seul vrai soucis technique: des hitboxes (c.-à-d. la zone du terrain de jeu où l'attaque d'un monstre prend effet) parfois généreuses, si bien que l'action perçue à l'écran semble en décalage avec les dégâts perçus par le joueur. Un problème plutôt étonnant, compte tenu des progrès affichés par l'ensemble de la série après Freedom Unite. Mais je rassure les anciens qui n'auraient pas encore tenté l'aventure de World: rien qui ne soit comparable avec le légendaire coup d'épaule du Plesioth.

Conclusion

Si vous n'aviez jamais pris le temps d'essayer un Monster Hunter avant World (ou avez été rebuté par un précédent essai), alors celui-ci constitue incontestablement la meilleure porte d'entrée pour le monde merveilleux de la chasse. Plutôt que de céder à une simplification du gameplay, Capcom a préféré prendre le temps d'introduire le nouveau joueur aux différentes mécaniques du jeu pas à pas, quitte à ce que le début du jeu prenne des airs de long tutoriel scénarisé. Mais Monster Hunter World, c'est aussi de gros progrès en matière d'ergonomie, tant pour les menus que pour les contrôles, qui pourront satisfaire aussi bien les nouveaux venus que les vétérans. Malheureusement, sans doute pour ne pas trop frustrer les nouveaux, Capcom a clairement calibré le jeu en faveur du chasseur: celui-ci n'aura jamais eu autant d'outils et de facilités pour accomplir sa besogne. Fort heureusement, le suivi du jeu à grand renfort de DLCs gratuits (et les quêtes événements qui vont avec) compense lentement mais sûrement le manque de challenge du jeu de base. Non, Monster Hunter n'a pas été sacrifié sur l'autel du grand public: il a seulement, semble-t-il, retenu ses coups pour mieux séduire un nouveau public. Pour mieux se déchaîner plus tard ? Seul l'avenir nous le dira. En attendant, avec sa réalisation solide, son gameplay toujours aussi riche et profond et sa grande re-jouabilité, Monster Hunter World constitue une valeur sûre qui s'avère, pour une fois, accessible au plus grand nombre.

Points forts

  • De gros efforts pour expliquer le jeu
  • Des menus et des contrôles plus ergonomiques
  • Des décors plus riches et vivants
  • Toujours la même profondeur de gameplay
  • Les talents d'armure plus flexibles
  • Des armures ? En veux-tu, en voilà
  • Réalisation solide
  • Un suivi prometteur

Points faibles

  • Scénario envahissant et sans grand intérêt
  • Difficulté mal équilibrée à la base
  • Un bestiaire initial manquant d'audace
  • Des hitboxes parfois généreuses
  • Quelques zones trop étroites

Conditions de test: cette critique a été rédigée après environ 200 heures de jeu sur PlayStation 4 Pro, principalement en solo (maudit soit le online payant).

Monster Hunter World

Critique rédigée par JefGrailet
Publié le 21/06/2018 à 16:24