Kunitsu-Gami: Path of the Goddess a créé la surprise à son annonce à la conférence Microsoft de juin 2023, entre sa direction artistique très inspirée du folklore japonais, son mélange de hack & slash et tower defense, en plus du fait que l’on a plus l’habitude de voir Capcom sortir de nouvelles licences depuis 2012 et Dragon’s Dogma. Rejoignant Exoprimal dans ces nouvelles tentatives, Capcom nous sort là un AA dont la proposition, sur papier, est plutôt osée. Mais comment cela se traduit-il manette en main ?
Il existe deux phases de jeu dans Kunitsu-Gami. Tout d’abord, à notre arrivée dans un niveau, se passe la phase de jour : on explore le lieu, on purifie les traces de la corruption en échange de cristaux, et on libère les villageois capturés. En effet, des forces du mal on envahit la montagne sacrée et il faut alors libérer les lieux de la corruption, offrant à chaque étape une opportunité de niveau différent. Scénario des plus sommaire s'il en est. Une fois nos comparses libérés, on peut dépenser les cristaux pour leur assigner un Métier, et les transformer chacun en Bûcheron spécialiste du corps-à-corps, en Archer tireur d’ennemis volants, en Sumo tank… Avec R1/RB, on met le jeu en pause pour leur donner des ordres de placement, car après un certain temps, la nuit tombe et un portail s’ouvre pour libérer un flot de démons. Il faudra alors affronter des vagues de monstres jusqu’au lever du jour en se battant aux côtés des villageois. On frappe avec Carré/X pour faire des séries de 1 à 3 coups, et avec Triangle/Y, on effectue une attaque spéciale. Un système de combo permet de varier l’attaque spéciale selon le nombre de coups déjà lancés : un simple tranchant rapide, une attaque aérienne, un enchaînement de coups puissants mais nous laissant vulnérables… Le système est basique mais efficace, permettant au joueur de facilement prendre en main toutes les options disponibles. Pour ajouter des options, il est possible de s’équiper d’attaques spéciales qui peuvent assommer les démons ou bien buffer les villageois. Ces derniers sont fortement utiles, car le flot d’adversaires est très élevé, et les monstres n’ont qu’un seul objectif : dévorer notre prêtresse, la miko Yoshiro. Il convient donc de placer les villageois à des endroits capables de bloquer les différents chemins menant à notre miko, et ce en prenant en compte leurs rôles et leurs zones d’effets. Car notre petite miko ne bougera pas un orteil pour se défendre, ni même ne se mouvra tant qu’on ne lui a pas tracé le chemin vers l’autel en dépensant des cristaux. Elle est là pour purifier, pas pour taper. Une fois la nuit terminée, le jour pointe à nouveau et les cristaux glanés pendant les combats permettent de faire avancer la prêtresse encore une fois. Celle-ci reprendra sa lente marche en danse vers le portail. Une fois atteint, on peut le purifier et finir le niveau, ou du moins accéder à sa seconde partie.
C’est ainsi qu’est construit le cœur du jeu de Kunitsu-Gami. Niveaux par niveaux, on descend le long de la montagne sacrée en s'accommodant des nouvelles particularités introduites. Une fois un niveau terminé, on obtient une petite base améliorable en échange de ressources pour gagner des pièces d’équipements, des compétences spéciales à activer avec R2/RT, ou bien de quoi améliorer les Métiers de nos villageois. Il suffit d’assigner quelques habitants à une tâche, accomplir autant de niveaux que demandé, et revenir. On débloque aussi des combats de boss, qui demandent de gérer les positions des villageois en temps réel pour s’adapter aux attaques et situations. Chaque boss a sa ou ses mécaniques uniques, qui demandent alors d’adapter sa façon de jouer. De manière générale, on se concentre sur l’attaque face au boss, jusqu’à ce qu’il invoque d’autres démons. Il faut alors gérer cette vague qui va cibler notre prêtresse Yoshiro. Vaincu, le boss libère un masque qui permet alors d’assigner un nouveau Métier à nos villageois. Enfin, il est possible de refaire les niveaux pour accomplir des objectifs supplémentaires et ainsi être mieux équipés, ce qui nous pousse aussi à penser leur complétion de manière différente. Par exemple, un même niveau avec une mécanique de lampe nous demandera à la fois de compléter le niveau toutes lampes allumées, puis ensuite sans aucune lampe allumée. Pour les combats de boss, c’est du contre-la-montre demandant alors de bien optimiser son équipement et les Métiers des villageois. Au total, une dizaine de boss pour un peu moins d’une vingtaine de niveaux. Cela donne une durée de vie entre 10 et 20 heures selon si on cherche à tout enchaîner ou si l’on souhaite refaire chaque niveau pour accomplir les défis bonus.
Un point fort de Kunitsu-Gami est qu’il cherche toujours à se renouveler de niveau en niveau. À chaque fois, c’est l’occasion d’apporter une nouvelle mécanique, une nouvelle spécificité qui rendra le jeu de plus en plus profond. Pour qui n’est pas intéressé par le fait de perfect les niveaux, il y aura alors un bon rythme de progression, puisqu'une nouveauté est introduite toutes les 20 minutes. Pour les autres, c’est plutôt le fait de jouer avec les objectifs qui apportera de la diversité de jeu car nécessitant de bien exploiter certaines mécaniques. Il n’y a guère que la partie “gestion de base” du jeu qui laisse un goût mitigé : le fait d’améliorer les bases permet d’obtenir de sympathiques ressources ainsi que de rendre chaque lieu plus agréable, mais la multiplication des lieux couplés à la redondance de leurs gestions ne rend ces bases finalement pas très passionnantes. Elles ne sont pas désagréables, juste pas très intéressantes, un élément sympathique fait de manière très dispensable. Mais il s’agit bien là de l’un des rares défauts à reprocher au jeu.
C’est bien la chose qui marqua le plus lors de son annonce. Kunitsu-Gami est un jeu inspiré du folklore japonais, et surtout de la danse Kagura (merci le site officiel de la précision). On y retrouve donc toute une interprétation de la mythologie japonaise comme les Yokais, ses éléments traditionnels comme les portes toriis, et enfin ces danses rituelles du Kagura. Tout le monde danse dans Kunitsu-Gami : la prêtresse se déplace en dansant, les villageois assignés à un rôle dansent en attendant les ennemis, et le protagoniste Soh frappe avec des mouvements très stylisés, rappelant des danses martiales. À tous ces aspects très ritualistes se mêle du psychédélique, par l’utilisation régulière de motifs kaléidoscopiques pour symboliser notamment la magie du monde. Cela donne au jeu une patte artistique assez unique, permettant de profiter d’un aspect méconnu de la culture japonaise.
Qui plus est, le jeu est réalisé sous le RE Engine, le moteur maison de Capcom, qui reste un très joli moteur, notamment vu à l’œuvre sur Monster Hunter Rise, Street Fighter VI ou encore Dragon's Dogma 2. On remarquera vite cependant qu'on a affaire à un petit projet interne, avec un budget limité : l’ensemble tourne très bien, réagit bien en main, est agréable à l’œil, mais ça manque de polish sur les effets de transparence qui souffrent d’un effet grille, et les visuels de paysages en fond sont tout simplement laids. C’est dommage, car avec un peu plus de budget, Kunitsu-Gami aurait probablement eu un visuel tout propre. Toutefois, il n’y a là rien de quoi bouder notre plaisir : le jeu est suffisamment réussi techniquement pour profiter de l’univers artistique et du gameplay. Il ne faut simplement pas s’attendre à la réalisation d’un Hellblade 2 ou d’un A Plague Tale.
Plus on avance, plus on se plaît à jouer à Kunitsu-Gami. Avec une vraie identité ludique et artistique, une belle maîtrise de sa proposition, on déroule tranquillement les niveaux sans trouver le temps long. S’il manque encore les graines de génie qui feront de ce jeu un classique à la manière d'un Okami, il demeure une proposition très rafraîchissante de la part de Capcom et qui fonctionne bien pour des vacances, avec des petits niveaux à faire ci et là. À 50€, c’est une très bonne recommandation pour ceux qui se cherchent un bon jeu cet été.
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