Plus de vingt ans après Secret of Mana sur Super Nintendo, la saga des “Mana” continue de vivre. Trials of Mana, remake de l’original sorti en 2020, avait pour but de relancer la licence. Un épisode en demie-teinte, mais qui avait le mérite de respecter le matériau d’origine. Un joli succès commercial en prime, avec plus d’un million d'exemplaires écoulés dans le monde. C’est donc logiquement que Square Enix remet le couvert, avec Visions of Mana, Action-RPG qui s’inscrit dans la droite lignée de son prédécesseur. De quoi l’arbre Mana a-t-il accouché cette fois ?
Première chose à noter : contrairement à Trials of Mana, Visions of Mana n’est pas un remake, mais un vrai nouveau jeu. Le titre s’inscrit tout de même dans la plus pure tradition de la série, côté scénario. On y incarne le jeune Val, fils du forgeron du coin, vivant dans un petit village paisible en apparence. En apparence, seulement, car il est régulièrement menacé de destruction par la déesse Mana, si on ne lui fournit pas une “offrande”. Non pas une quelconque denrée alimentaire, ou même une pierre précieuse, mais un humain en bonne et due forme. Oui, vous avez bien lu, on parle bien de sacrifice humain. C’est bien entendu à notre cher Val que revient la lourde tâche d’accompagner la future sacrifiée, Ina, vers son sacrifice, en glanant quelques autres offrandes sur la route, histoire de ne pas faire le chemin pour rien. Mais bon, à en croire les réactions, tout le monde il est beau, tout le monde il est content. Dans le monde merveilleux de Visions of Mana, servir d’offrande est un honneur suprême. Bon, mis à part cette thématique assez originale, le début de jeu est dans la plus pure tradition du JRPG : un jeune paysan paumé dans le fin fond du monde, une jeune femme à protéger à l’aide d’une épée tout juste forgée pour l’occasion, et un monde à sauver (rien que ça). On se doute quand même bien vite que le côté léger et insouciant ne va pas durer, et que quelques mauvaises surprises nous attendent sur la route. C’est à mon sens une réussite du titre : mélanger un côté “niais” inhérent au genre à des thématiques assez lourdes comme la mort ou l’amour. La niaiserie du début s’efface progressivement à mesure que l’on progresse. Malheureusement, on sent venir d’assez loin les twists scénaristiques. Concernant les quêtes secondaires, nombreuses, on sent que la plupart d’entre elles ont été introduites un peu aux forceps, ne bénéficiant pas d’une grande qualité d’écriture. Bonne nouvelle, elles sont totalement optionnelles. On peut tout à fait se contenter de tracer la quête principale sans se retrouver bloqué par un mur de difficulté, pour peu que l’on ne fuit pas tous les combats.
Val n’est pas le seul personnage jouable dans Visions of Mana. On peut switcher à la volée entre trois protagonistes (plus deux en réserve) disposant chacun de leur compétence et leur style de combat. Un gameplay Action-RPG très classique, qui repose sur une attaque lourde, une légère, et des compétences à utiliser moyennant quelques MP, ce qui déclenche une pause tactique. On se rapproche donc d’un système à la FFVII Rebirth, la jauge d’ATB en moins. N'oublions pas la traditionnelle esquive (utilisable à volonté, pas de jauge d’endurance au programme). Les premières heures de jeu ne vendent clairement pas du rêve côté combats. On se contente de spammer l’attaque légère, le tout entrecoupé de quelques attaques lourdes, ce qui est bien suffisant pour venir à bout de tous les monstres qui se dressent sur notre chemin. Puis on débloque notre première relique élémentaire, et les affrontements prennent une tournure plus stratégique. Ces reliques, une fois équipées, permettent à nos personnages de changer d’arme et de classe. Chaque classe correspond à un élément, pour un total de huit. De quoi créer un bon nombre de combinaisons et personnaliser chacun de nos protagonistes. S’y ajoutent les graines de compétences, qui permettent d’apprendre de nouvelles magies et talents. On peut donc se faire un personnage spécialisé à double spécialité, en lui équipant une graine de compétences différentes de ses talents de base (par exemple, équiper une graine de glace à un personnage spécialisé feu lui permettre d’accéder à des sorts de glace). Pour peu qu’on s’implique, les possibilités de gameplay deviennent vraiment intéressantes à mesure qu’on progresse. Corps-à-corps, combat à distance, magie, tous les styles de combat sont viables dans Visions of Mana. Un bémol sur la caméra, qui a étrangement tendance à partir en sucette, malgré un système de lock. Malheureusement, en difficulté normale, les affrontements sont tellement faciles que le jeu ne nous pousse pas vraiment à exploiter à fond les différentes stratégies possibles. Même en difficulté max, le titre aurait vraiment gagné à offrir un challenge un peu plus consistant.
Visions of Mana arrive aussi avec l’ambition de proposer un monde “semi-ouvert”. Comprenez par là de grandes zones que l’on peut explorer plus ou moins librement, avec tout de même pas mal de murs artificiels et de goulots d’étranglement. Le titre cherche à nous pousser à l’exploration, en disséminant une grande quantité de loot, et quelques monstres “élites”. L’abondance de loot (notamment les cristaux à récupérer) peut toutefois finir par agacer, même si on sent que les développeurs ont cherché à offrir un level design un peu travaillé. Il faut parfois réfléchir à son approche et bien gérer ses (doubles) sauts pour choper les cristaux, ce qui donne une petite composante plateforme bienvenue. En tout cas, le jeu récompense les fouineurs. Les reliques élémentaires servent également à l’exploration. La relique du vent peut par exemple créer des vents ascendants afin d’accéder à des lieux en hauteur. On ne peut cependant pas utiliser les reliques où bon nous semble, car les interactions sont limitées à certains endroits précis de la carte. Oubliez vos rêves de Zelda BOTW, Visions of Mana reste avant tout un Action-RPG.
Côté technique, c’est mitigé. La direction artistique reste, à mon sens, assez générique, même si on note quelques fulgurances, notamment dans les panoramas: je pense par exemple à l'un des tout premiers du jeu, avec le grand volcan dans la brume en arrière-plan qui en jette pas mal. Les animations restent toujours assez rigides, et globalement, on sent qu’on est toujours devant un AA à petit budget. L’OST par contre n’est jamais prise en défaut, le trio de compositeurs (Rio Yamasaki, Sekito Tsuyoshi et Hiroki Kikuta) faisant des merveilles.
Visions of Mana ne révolutionne absolument pas la formule initiée en 2020 avec Trials of Mana. Il est dans la droite lignée de son aîné: un Action-RPG à petit budget, assez classique mais pas dénué de charme. Si vous avez apprécié le premier, vous pouvez y aller les yeux fermés. En revanche, si vous êtes allergiques à la relative niaiserie inhérente au genre, ou à la recherche d’une expérience plus “hardcore”, inutile de se forcer. Le titre devrait également constituer une très bonne porte d’entrée aux néophytes ou aux plus jeunes de par son accessibilité.
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