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Armored Core VI : Fires of Rubicon

Rallumer la flamme

On a l’impression que cela fait une éternité que From Software est sur sa formule Souls. Qu’ils n’aient jamais fait que ça. Que Hidetaka Miyazaki a fondé le studio de ses mains calleuses et en a fait la machine à souffrance et à succès commerciaux que tout le monde connaît. Ce qui est évidemment faux : cela ne fait « que » 15 ans que la formule Souls existe, et Miyazaki a rejoint le studio comme simple game designer sur une des deux franchises pilier du studio à l’ère PS2 : Armored Core : Last Raven. Avec le temps, l’autre « grande » franchise de From Software, King’s Field, servi de fondation au projet Demon's Souls ainsi que ses suivants, et Armored Core tomba dans l’oubli à la suite d’Armored Core V en 2012, achevant la déperdition du jeu de mécha. Mais nous voilà 10 ans plus tard, et des braises froides émerge Armored Core VI : Fires of Rubicon. Sous la houlette de Masaru Yamamura et son équipe, à qui l'on doit Sekiro : Shadows Dies Twice, la franchise renaît. Et elle fait comme si ces 10 ans d’absence n’avaient jamais existé.

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Mettons tout de suite les choses au clair afin d’éviter tout malentendu : Armored Core VI N’EST PAS Dark Souls avec des robots. Hormis une atmosphère sombre, une absence de mode de difficulté, et un goût prononcé pour le feu, il n’y a pas de points communs entre ces formules. Vous ne trouverez pas de donjons de deux heures interconnectés avec la moitié de la carte, l’histoire n’est pas racontée au compte-goutte à travers des descriptions d’objets, et les boss ne nous accueillent pas avec des chœurs cherchant à pousser le Dies Irae dès qu’on franchit un mur de brume. Si vous venez sur ce Armored Core en attendant ceci, vous risquez fortement d’être déçu pour rien.

« On peut tirer beaucoup de l’homme »

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Tout allait bien dans le système Rubicon. On avait découvert une substance pleine d’énergie fabuleuse, le Corail, qui permettait de réaliser un monde parfait tout vert et en paix. Puis cette substance s’est embrasée, et les Feux d’Ibis ont réduit cet idéal en cendres. Dans la peau du pilote augmenté 621, on atterrit dans notre mécha afin d’être embauché par les méga corporations restantes à la recherche de zestes de Corail. Et ils nous paieront pour ce qu’on sait faire de mieux : éliminer. Pas d’une originalité folle comme introduction, certes, mais elle colle parfaitement à l’univers du jeu : un univers sombre et froid, dans la plus belle veine du genre du real robot. Pour les amateurs du genre, le jeu entier respire la froideur de l’acier et la lourdeur de dix tonnes de métal en mouvement. Entre les industrialistes avides, les résistants fanatiques, et les junkies du Corail, vous n’aurez aucun mal à vous faire votre place de mercenaire sans scrupule, envoyé dans un camp ou dans l’autre en fonction de ce qui paie le mieux, à coup de briefing vidéo entre deux logos. Totale anonymisation. N’espérez pas voir un être vivant vous saluer, les seuls que vous croisez cherchant généralement à vous arrêter dans leur AC. À répétition, ces briefings perdent de leur charme et commencent à se confondre avec un certain manque de budget plutôt qu’une quelconque volonté narrative. Il faut dire qu’on peut qualifier certes la technique de « propre », on pourrait même s’exclamer « le plus beau jeu de mécha jamais fait ! », mais ce serait être candide ou ironique, puisque le dernier représentant 3D de la famille était DaemonXMachina en 2019. Armored Core VI ne sera pas le From Software avec l’histoire la plus vivante, et si elle sait fournir un agréable écrin, ce ne sera pas ce qu’on retient une fois les années passés. On retiendra ses combats.

« Il sait voler, il sait tuer »

Le fonctionnement d’Armored Core est très similaire à ce qui se faisait avant sur la série : les gâchettes au service des armes respectivement en main gauche et droite, les bumpers qui font de même avec les armes d’épaule, une esquive, un saut, et une super propulsion pour foncer en ligne droite. Ces trois derniers éléments viennent tirer dans votre jauge d’EN, qui symbolise tout simplement l’endurance de votre mécha. Esquiver et voler viendra l’épuiser, alors veillez à ne pas trop gesticuler. À toute cette panoplie s'ajoutent 3 kits de réparation qui serviront à récupérer un peu de vie dans les niveaux, et nous voilà lâchés dans les combats. Pour qui n’a jamais mis les doigts sur un jeu de mécha, ces premiers affrontements lui sembleront étranges, avec ces jauges énormes dans tous les sens et surtout cet aim assist qui aimante à l’autre bout de l’écran. Ce sera l’occasion pour le joueur néophyte d'apprendre que dans un jeu de mécha, on ne cherche pas particulièrement à viser, puisque l’ordinateur (du mécha, pensez immersion), le fait pour vous. On est là pour attendre que la solution de tir, ce splendide réticule rouge, se pose sur le fessier de notre adversaire avant de tirer avec notre calibre 12 dm. Cette assistance permet au jeu de se permettre des affrontements rapides, très rapides. Entre la mobilité de notre mécha, notre viseur qui passe de cible en cible à chaque mort, et leurs mouvements d’esquives, on est plus qu’heureux que la machine travaille autant à notre place puisque ce serait le calvaire. Grâce à ça, on peut se concentrer un peu plus sur l’affrontement en lui-même. Et c’est à notre plus grand plaisir vu leur qualité : le jeu répond excellemment bien, le mécha nous obéit au doigt et à l’œil, les coups ont de l’impact et les missiles dansent devant nos yeux et autour de nous. Festival de son et de lumière, parfois même digne d'un Itano Circus, les combats sont la raison pour laquelle on lance Armored Core VI. Avant l’amour des gros robots, avant l’envie de voir des fichiers PNG parler sur fond noir : faire un saut pour voler en trois dimensions, réduire les dizaines d’ennemis en milliers de pièces sous un tapis de balles, et sur un bal de missiles. Et à la conclusion d’un niveau, les fameux combats de boss.

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Le classique du jeu vidéo, et symbole de la terreur de From Software chez les joueurs. Ici, on a le droit à des affrontements ardus, mais bien moins exigeants que les précédentes productions de l’équipe. Même si de leur héritage s’échappe la mécanique de Posture de Sekiro, et qui s’est répandue comme une épidémie dans les jeux d’actions. Rappelons son fonctionnement : quand vous subissez trop de dégâts d’un coup, vous êtes immobilisé une seconde, et subissez plus de dégâts pendant ce court laps de temps. Si vous parvenez à faire exploser la posture de votre adversaire (les munitions explosives sont très efficaces pour cela), ce sera vous qui immobiliserez votre adversaire plusieurs secondes avec un bonus de dégâts en prime. Moins central que dans le jeu d’action samouraï de l’équipe, on est plus proche d’un fonctionnement à la Final Fantasy XVI : on prépare la montée de la jauge et une fois que celle-ci explose, on relâche la purée et on se défoule, avant de repartir pour une ronde. Elle rythme donc les affrontements contre les boss, mais n’en est plus un élément indispensable. Cela ne veut pas dire qu’il faut dès lors les traiter par-dessus la jambe: leur puissance de feu et leurs patterns sont bien là pour vous réduire en charpie. Mais plutôt que de vous demander des réflexes musculaires durement entrainés, des timings d’esquives à faire suer, ici c’est avant tout l’école de la préparation : chaque boss a son style, ses points forts et ses points faibles. Et si les plus masochistes seront ravis de ressayer en boucle le combat pour le passer avec leur mécha, il est également tout à fait possible de changer des pièces de notre AC juste devant la salle de boss, fort du savoir-faire acquis dans le combat, pour tailler l’arme de guerre parfaite pour défaire l’ennemi. La victoire de l’esprit avant celle du corps.

« Il couche une forêt, il écrase cent hommes »

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Ouvrir le garage, c’est comme ouvrir une boîte pleine de LEGO: on trouve pleins de trucs rigolos, et on se dit que ça sera encore plus rigolo si on les mélange. Ce qui est bien le cas : le Garage vous permet de modifier chaque pièce de votre robot. Les quatre armes évidemment, mais aussi les bras, les jambes, le torse, les propulseurs, les calculateurs… Même la tête. Chacun des types de pièces joue sur ses propriétés particulières : les bras permettront avant tout de porter plus ou moins d’armes lourdes, les propulseurs règleront vos vitesses de déplacement et distance de saut et d’esquive, le torse permet d’être plus ou moins résistant… Et les jambes. C’est l’une des pièces les plus importantes, car au-delà de changer les stats du robot, on peut équiper des choses plus farfelues, comme par exemple des chenilles de tank pour pouvoir tirer avec les canons les plus lourds sans aucun recul ou encore drifter autour des boss. Ou encore le tétrapode, qui permet d’activer le vol stationnaire dans les airs, très sympathique mais surtout très pratique contre un boss.

Avec l’argent des missions, on peut s’acheter des pièces qui permettront de varier les plaisirs, et de plus facilement affronter nos ennemis : le boss du niveau attaque surtout au sol ? Plutôt que de vous embêter à tout sauter, prenez les tétrapodes et volez au-dessus de lui en le canardant. Vous ne vous sentez pas assez rapide ? Abandonnez les pièces les plus lourdes et prenez des réacteurs qui videront votre énergie à la vitesse de l’éclair pour parcourir de longues distances. Un ennemi avec un bouclier en titane vous donne du fil à retordre ? Prenez ces missiles qui partent en l’air, « spécifiquement conçu pour contourner les protections ». Quand on prend le temps de lire les outils que nous propose le jeu, on réalise bien vite que la difficulté réside presque dans le fait de se décider sur un build que vraiment dans les mécaniques du combat. Et comme si ça ne risquait pas de vous aspirer assez de temps, Armored Core VI propose un mode Customisation pour votre gros robot, permettant de lui refaire ses couleurs, et même de dessiner son emblème. Fonctionnalité presque essentielle au yeux des fans de mécha. From Software sait ce que ses fans d’AC veulent, et il n’a aucun problème à leur faire plaisir.

« Plus vite que l’ouragan, plus fort que l’éléphant »

Les plus fans seront d’ailleurs heureux de savoir que From Software a rappelé Kota Hoshino pour s’occuper de l’ambiance sonore. Plus que vétéran de la franchise : c’est lui qui est aux synthés de la série depuis 1999. En soutien, il a comme partenaire Takashi Onodera, et Shoi Miyasawa (à qui ont doit le splendide thème de Radahn dans Elden Ring par ailleurs). Très électronique/industriel, typé dark synth parfois, cette B.O. se veut plus discrète que les dernières production From Software. Mais cela ne veut pas dire qu’elle n’est pas mémorable : au fil de l’aventure, quelques thèmes sauront faire leur effet, pas seulement par leur qualité, mais par l’unicité qu’ils forment avec l’ambiance visuelle du titre. La soundtrack colle parfaitement aux paysages du jeu, aux immenses mégastructures qui s’affichent, à la puissance des mécha combattants qui nous font face, aux flammes de Corail qui s’étendent devant nous. Elle n’a pas été juste composée pour le jeu, elle fait corps avec lui. On ne sera probablement pas nombreux à citer constamment une dizaine de morceaux en boucle en parlant du jeu tellement leur impact a été fort, mais la tenue générale de l’OST est un bon point à souligner.

« ... mais il a un défaut »

Un mauvais point à souligner en revanche serait plutôt du côté de la structure générale du jeu. N’attendez pas un monde ouvert à la Elden Ring, ou un monde connecté comme Dark Souls : Armored Core VI est découpé en missions d’une vingtaine de minutes. Une simple, bête, et efficace structure en missions. Assez surprenant, très classique, mais pourquoi pas, surtout si ces missions sont de qualité. Mais c’est là où le bât blesse : ces missions sont certes bien fun, puisqu’on a des ennemis à taper, et comme déjà dit, c’est très plaisant d’envoyer à la casse tout ce petit monde. Mais elles sont rarement autre chose qu’une succession d’arènes sur une grande carte. On lance, on tape, un boss, et on rentre. À répéter 40 fois. Alors certes, toute les missions ne sont pas identiques. Si certaines sont extrêmement basiques et courtes en plus de réutiliser les maps précédentes (et non, ce ne sont pas des missions annexes), d’autres viennent proposer de petits twists sur le choix de ses ennemis, des mécaniques de missions spéciales, des scènes impressionnantes de gigantisme… Mais dans l’ensemble, on garde un goût très « Playstation 2 » de cette structure, renforcé par une narration pré- et post-mission qui consiste en des logos qui se parlent sur fond de garage… Ce qui au début était « sobre » semble vite « fauché », et ce qui servait à l’ambiance finit vite par desservir le jeu. Et on se retrouve à vouloir appuyer sur les boutons pour faire défiler les dialogues plus vite et passer au combat dès que possible comme dans un RPG qui bla-blate pour ne rien dire, mais si par malheur le briefing montre une vidéo de la carte pour illustrer qu’il y a des méchants dans l’usine à méchants, vous devrez subir sans raccourci.

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Il sait penser

Armes en main, Armored Core VI est un fantasme qui devient réalité pour les amoureux de méchas. Les contrôles, les affrontements, la personnalisation… tout est réussi, et de très grande facture. Quand on traverse le désert en esquivant des tirs de lasers provenant d’un engin de siège d’une centaine de mètres de haut, que l’on cherche à abattre, le jeu nous fait vivre de grands moments. À côté de ça, on soupire devant ces briefings qui semblent parfois trop longs, alors qu’ils ne font même pas 2 minutes, mais qu’on a l’impression d’avoir entendu 100 fois dès la cinquième arène, et qu'on entendra à chaque fois avant chacune d'entre elle, soit toute les 15 à 20 minutes quand on la fait en ligne droite (et on a rarement l'opportunité d'y passer plus de temps). Ces défauts font qu’Armored Core VI n’est pas le nouveau chef-d’œuvre de From Software, mais la réussite globale de l’artistique et du ludique en font tout de même un très bon, voire un excellent jeu. Armored Core s’est exhumé de ses cendres, et il n’a jamais été aussi plaisant de soulever de la fonte de mécha qu’avec ce sixième opus.



Dernière modification le 30/09/2024 à 10:19.

Armored Core Armored Core VI: Fires of Rubicon From Software

Critique rédigée par Koanns
Publié le 08/09/2023 à 18:50
Edité le 30/09/2024 à 10:19

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